Qu’est-ce qu’un blog ? Grande question, et franchement on n’en sait rien. Par une chance extraordinaire, le blog reste largement hors la loi. Certes, bien des aspects de leurs activités relève de la loi sur la confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004. Mais dans cette époque dominées par les trouillards et les obsessionnels du contrôle (ce sont les mêmes), cette époque où l’on légifère sur tout ce qui bouge, il n’existe pas de loi sur le blog. Un oasis inespéré.
Pas de loi, mais du droit, car le droit, c’est la civilisation. L’absence de loi serait un vide juridique ? Jamais de la vie. C’est juste un vide législatif ponctuel, et on fait l'affaire avec les belles et bonnes lois structurantes que nous a laissé la République.
Que dit la Cour de cassation ? Si on ne sait pas exactement ce qu’est « un blog », on sait ce qu’il en est de son activité : elle est protégée par la loi sur la presse loi du 29 juillet 1881. Muchas gracias. Je vais maintenant vraiment pouvoir dire n’importe quoi, comme le font mes petits compagnons : TF1, Nouvel Obs, Paris-Match, L’Express, JDD…
L’histoire, c’est Serge Grouard, le député-maire UMP d’Orléans, qui comme un Poutine des mauvais jours, avait pété les plombs contre l’auteur d’un blog, Antoine Bardet, alias Fansolo, au motif que le blogueur dénigrait son auguste pensée et sa non moins auguste personne.
Le député dépité avait assigné le blogueur en référé pour obtenir des dommages intérêts et la fermeture du blog litigieux. Le juge avait dit « Oui », la cour d’appel avait confirmé, et ma copine de cœur a dit « Niet ».
Qu’avait dit la cour d’appel ?
Le blogueur qui a agi de façon anonyme et sous une présentation trompeuse, cherche effectivement à discréditer le député-maire auprès des électeurs. « Cette entreprise ne repose que sur une présentation générale le tournant en ridicule à travers le prisme caricatural d’une vision orientée et partiale de sa politique locale ou de sa personnalité sans imputer spécialement au maire, ou au candidat, de faits précis de nature à porter, par eux-mêmes, atteinte à son honneur ou à sa considération ».
La Cour d’appel avait fondé sa décision sur le droit commun de la faute, le célèbre article 1382 du Code civil, expliquant que le blog n’était pas diffamatoire, faute de quoi s’appliqueraient les infractions prévues par la loi sur la presse. Donc, ni injure, ni diffamation, ni provocation, mais franchement le blogueur abusait et il fallait mettre fin à ses débordements.
Tout faux, et erreur de droit répond ma copine : « Les abus de la liberté d’expression ne peuvent être réprimés que par la loi du 29 juillet 1881 ».
Ouah, l’uppercut jurisprudentiel ! Ce qu’est la nature juridique d’un blog, peu importe. Mais ce qu’il produit, ça compte. Ce sont des écrits, qui sont publiés, et toute l’activité du blog relève donc du droit de la presse.
Deux conséquences principales.
- Les dérapages du blog ne peuvent être sanctionnés d’une manière générale. Ils doivent correspondre aux infractions précises définies par la loi sur la presse, telle que les interprète la jurisprudence.
- Les poursuites doivent être exercées en respectant toutes les formalités de la loi sur la presse, formalités complexes et bien connues pour être un véritable cimetière des procédures.
Tous mes remerciements à l’UMP censeur de service, le susnommé Serge Grouard, qui se prend un râteau de première et nous offre bien involontairement le meilleur des cadres pour profiter, comme des citoyens libres, de la liberté d’expression. En remerciements, j’ai le plaisir de lui remettre son certificat de la plus féconde des imbécilités, accordé avec les félicitations du jury.
Le député UMP Serge Grouard sortant les armes pour défendre son honneur
http://lesactualitesdudroit.20minutes-blogs.fr/