Vingt questions autour de la reprise du Monde,
par Denis Olivennes, du Nouvelobs,
mal placé pour traiter le sujet ! Puisqu'il censure
des blogueurs comme moi.... eva R-sistons à la censure
et aux médias aux ordres du libéralisme militaro-financier.
Un certain nombre de choses ont été écrites autour des projets de Claude Perdriel et du rôle qu’il souhaite jouer pour assurer l’avenir et l’indépendance du Monde. Voici les réponses à vingt questions qui se posent à ce propos. Par Denis Olivennes.
1) Claude Perdriel a confirmé son intérêt pour le rachat du groupe Le Monde. Quel sens a ce projet ?
DO : Un énorme sens ! Un groupe de presse de centre gauche, puissant, indépendant de tous les pouvoirs : le gouvernement, les partis, le CAC 40, la banque... Cela permettrait aux différents titres papier et web -Le Monde, Télérama, Courrier International, mais aussi le Nouvel Observateur, Challenges, Science et Avenir- de mieux se défendre sur le plan économique dans une période difficile pour la presse. Et aussi de mieux protéger leur liberté éditoriale. Voilà ce qui a motivé Claude Perdriel, avec l'assentiment complet de Jean Daniel. C’est une occasion historique.
2) Les journalistes du Monde ont fait savoir que la question de leur indépendance était effectivement décisive. En quoi la garantissez-vous ?
DO : Franchement, je ne vois pas quelle meilleure protection ils auraient. Nous ne dépendons que de nous mêmes. Aucun conflit d’intérêt de quelque nature que ce soit puisque nous sommes dans la presse et dans une petite activité industrielle dont les marchés sont essentiellement à l’étranger, qui n’est pas cotée et ne reçoit aucune commande ni subvention publiques. Personne n’a de prise sur nous. Claude et moi ne sommes membres d’aucun parti, syndicat, association, club politique ou que sais-je encore. Claude Perdriel a dit aux journalistes du Monde ou de Télérama qu’il a rencontrés : "jugez moi sur les actes, pas sur les paroles. Cela fait 45 ans que la rédaction du Nouvel Observateur vit en pleine indépendance et Dieu sait si les pouvoirs politiques successifs, y compris de gauche, et les forces économiques ont exercé des pressions. Ce n’est pas à mon âge que je ne vais changer de philosophie".
3) Vous concernant, ces mêmes journalistes se demandent comment, avec votre propre parcours, une entreprise de cette taille peut vous intéresser et si vous n’avez pas d’autres ambitions.
DO : Ce choix, je ne l’ai pas fait maintenant à l’occasion de ce projet de reprise du Monde mais il y a deux ans en rejoignant Claude Perdriel. C’est un choix profond, d’existence. Si j’avais voulu faire autre chose –de la politique, des grandes entreprises– je l’aurais fait, l’occasion m’en a été donnée. Mais le projet de Claude est beaucoup plus exaltant, il a beaucoup plus de sens pour moi. Je crois qu’on change bien davantage la vie par une presse libre et critique. Et c’est un honneur d’y consacrer son énergie. La justice par la vérité comme disait à peu près Camus.
4) Roulez-vous pour le PS ou l’un de ses candidats ?
DO : Nous ne roulons pour personne. Le militantisme est incompatible avec la liberté de la presse. Il ne nous déplait pas de déplaire.
5) Quels sont vos liens avec le président de la République ?
DO : Ceux qu’entretient le premier hebdomadaire d’opposition avec le pouvoir : une vigilance critique, sans aveuglement partisan mais sans aucune complaisance. Et aucun lien personnel, cela va sans dire. Pas plus qu'avec Martine Aubry ou Dominique Strauss-Kahn d'ailleurs.
6) Avez-vous pris des engagements sur l’indépendance des rédactions ?
DO : Les principes seront écrits noir sur blanc et ils sont simples. Un : la gestion relève des seuls actionnaires et du seul management. Deux : l'autorité rédactionnelle relève des seuls journalistes. Au Monde, par exemple, seul le Directeur a le pouvoir rédactionnel. Et il doit recueillir le suffrage de sa rédaction au moment de sa désignation.
7) Les journalistes du groupe Le Monde s’interrogent sur le rôle que vous jouerez dans le dispositif ?
DO : Si notre solution était retenue, je ne m'occuperais ni de près ni de loin du contenu rédactionnel d’aucun des titres. J’en ai pris l’engagement, confirmé par Claude. Nous l’écrirons. Croyez-moi, il y aura assez à faire, de toute façon, sur la gestion !
8) Et qu'adviendrait-il des dirigeants actuels ?
DO : Là aussi, Claude a été clair. Louis Schweitzer, s’il le veut bien, demeurera à la présidence du Conseil de Surveillance. Eric Fottorino et David Guiraud continueront eux aussi à accomplir leur mission au sein du Directoire. Beaucoup a été fait pour redresser le Monde depuis deux ans. Nous aurons besoin de tous pour poursuivre et amplifier cette tâche. Et moi, mon rôle sera d’aider autant que je le peux à pousser la mêlée.
9) Claude Perdriel a-t-il les moyens de faire face aux besoins de financement d'un groupe qui perd 10 millions d'euros par an et a 100 millions d'euros de dettes ?
DO : Le groupe familial de Claude Perdriel est extrêmement solide. Il dispose de plus de 100 millions d'euros de fonds propres, à zéro dette, croît de 5% par an en moyenne, et dégage une trésorerie disponible de 10 à 15 millions d'euros chaque année ! J'ajoute qu'il n'est pas question que le Groupe Le Monde continue de perdre de l'argent.
10) Mais pourquoi réussiriez vous là où tant d’autres ont échoué ?
DO : Nous ne ferons cette opération que si les conditions préalables du redressement sont réunies. La première d’entre elles est un actionnaire de contrôle et un management qui a les coudées franches. Ensuite, le désendettement. A partir de là, notre analyse est que le redressement est possible. Surtout si, ensemble, Groupe Nouvel Observateur et Groupe Le Monde, nous associons nos forces pour augmenter notre puissance de négociation sur la publicité, les achats, l'impression, la gestion des abonnés, etc. Nous pèserons ensemble 500 millions d'euros de chiffre d'affaires et plus d'1,5 million d'abonnés.
11) Allez-vous développer la partie numérique ?
DO : Evidemment. Nous regrettons d’ailleurs que Le Monde n’ait pas 100% de sa filiale numérique. Nous aimerions bien rediscuter de cela avec le Groupe Lagardère.
12) Et quand on vous dit, comme certains, que c’est une folie d’investir aujourd’hui dans la presse, notamment dans la presse quotidienne ? Ou même que cela peut se révéler dangereux pour le Nouvel Observateur et les autres titres du groupe Perdriel ?
DO : Je réponds qu’il y a des gens qui perdent de l’argent dans des secteurs en pleine expansion et d’autres qui en gagnent dans des secteurs en repli ! C’est une affaire de bonne gestion. De ce point de vue, les gains d’échelle avec l’Obs sont très utiles pour les deux groupes.
13) Mais la partie presse du groupe de Claude Perdriel perd de l’argent.
DO : Nous avons engagé depuis deux ans des mesures importantes d’adaptation en particulier des départs dont l’indemnisation pèse sur les comptes. En dehors de ces charges exceptionnelles, la presse papier a dégagé en 2009 un résultat d’exploitation positif de près de 1 million d’euros, alors que, comme tout le monde, nous avons subi un recul de 20% de nos recettes publicitaires du fait de la crise. Nos sites, eux, perdent encore de l’argent.
14) Claude Perdriel n'a pas 20 ans. Comment garantissez-vous l'avenir ?
DO : Il est en grande forme, je vous l'assure. Mais de toutes les façons, ce projet a le plein soutien de ses enfants. Et de son épouse, qui participe d'ailleurs à toutes les réunions et n'est pas la moins enthousiaste.
15) Certains voient l’ombre d’Alain Minc derrière le projet de Claude Perdriel ?
DO : C'est drôle, ce fantasme Alain Minc. C'est comme s'il était le Dieu - ou plutôt le Diable - caché de cette affaire. On voit sa main partout. Nous n'avons eu aucun contact avec lui.
16) Mais le rapprochement entre vous et Prisa ou Benedetti, ce n’est pas son œuvre ?
DO : Claude Perdriel et Jean Daniel connaissent El Pais ou La Repubblica depuis trente ans ! L'univers des journaux indépendants de centre gauche est un petit monde en Europe. Juan Luis Cebrián est un ami de Jean et de Claude depuis le milieu des années 70. Eugenio Scalfari et Carlo Caracciolo, aujourd’hui décédé, les fondateurs de la Repubblica, aussi. Parler avec ces groupes est la chose la plus naturelle qui soit.
17) Vous vous êtes donc rapprochés d'eux ?
DO : Nous nous sommes parlé amicalement.
18) Qu’avez-vous à dire ou à proposer qui puisse convaincre Le Monde de vous choisir vous plutôt que les autres ?
DO : Cela ne se pose pas en ces termes. Nous devons nous choisir mutuellement car ce qui doit être fait est difficile et suppose d’aller à la bataille ensemble, solidairement. Nous, nous n'irons que si les conditions sont réunies. Et parmi celles-ci, il y a le plein assentiment de la rédaction. Claude a dit une chose très forte à la Société des Rédacteurs du Monde : "je respecterai votre choix quel qu’il soit car je considérerai que vous l’avez fait dans l’intérêt du Monde et l’intérêt du Monde est plus important à mes yeux que le mien".
19) Est-ce qu’on peut avoir une idée du calendrier des opérations ?
DO : Tout cela doit se décider vite sur le principe car les échéances de trésorerie du Monde sont avant la fin de l’été. Ensuite, il y aura bien sûr une période de vérification des contrats, des chiffres etc., avant la finalisation.
20) Qui décide au Monde ? Et comment ? Quel est le poids des actionnaires ? De la rédaction ? Conserve-t-elle un droit de véto?
DO : La rédaction joue un rôle déterminant dans la société qui possède 60% du Monde SA. La décision passe nécessairement par elle.
http://tempsreel.nouvelobs.com//actualite/media/20100525.OBS4475/vingt-questions-autour-de-la-reprise-du-monde.html