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9 février 2012 4 09 /02 /février /2012 03:41

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Cinquante ans de blocus, l'obsession des États-Unis à l'égard de Cuba: entretien avec Salim Lamrani, universitaire et écrivain

Bernard Duraud
L’Humanité, 7 février 2012

1) Il y a 50 ans, jour pour jour, les États-Unis imposaient des sanctions économiques totales à Cuba. Dans votre dernier livre "Etat de siège*", vous revenez sur cette réalité. Pourquoi un tel acharnement?

Il faut savoir que la rhétorique diplomatique visant à justifier l’hostilité étasunienne vis-à-vis de Cuba a fluctué selon les époques. Dans un premier temps, il s’agissait des nationalisations et de leurs indemnisations. Par la suite, Washington a évoqué l’alliance avec l’Union soviétique comme principal obstacle à la normalisation des relations entre les deux pays. Puis, dans les années 1970 et 1980, l’intervention cubaine en Afrique, plus précisément en Angola et en Namibie, pour aider les mouvements de libération nationale à obtenir leur indépendance et pour lutter contre l’Apartheid en Afrique du Sud, a été pointée du doigt pour expliquer le maintien des sanctions économiques. Enfin, depuis l’effondrement de l’Union soviétique, Washington brandit l’argument de la démocratie et des droits de l’homme pour maintenir l’étranglement économique sur la nation cubaine.

2) Peut-on mesurer concrètement aujourd'hui les conséquences des sanctions économiques pour le peuple cubain?

Les sanctions économiques constituent le principal obstacle au développement de la nation.
Concrètement, Cuba ne peut rien exporter aux États-Unis et ne peut rien importer de ce pays hormis des matières premières alimentaires depuis 2000, à des conditions drastiques, telles que le paiement à l’avance, dans une autre monnaie que le dollar, sans possibilité de prêt, etc. Cela limite donc énormément les possibilités commerciales de l’île, qui doit se fournir auprès de pays tiers à un coût bien supérieur.
Il faut se souvenir que c’est la première puissance mondiale qui impose des sanctions à Cuba et non un pays comme le Luxembourg. Les Etats-Unis ont toujours constitué le marché naturel de Cuba pour des raisons historiques et géographiques évidentes. En 1959, 73% des exportations cubaines étaient destinées au marché étasunien et que 70% des importations en étaient issues. Pendant trente ans, le commerce avec l’Union soviétique a permis de minorer l’impact, mais depuis 1991, Cuba subit de plein fouet le choc de ces sanctions.
Prenons un exemple : Si demain, les touristes américains étaient autorisés à voyager à Cuba – ils peuvent aller en vacances en Chine, au Vietnam ou en Corée du Nord mais pas à Cuba ! – un million de personnes s’y rendrait la première année et cinq millions au bout de cinq ans ce qui génèrerait des ressources de près de cinq milliards de dollars pour l’économie cubaine pour le secteur touristique, c’est-à-dire près trois fois plus qu’aujourd’hui. Une telle somme améliorerait grandement le niveau de vie à Cuba qui, rappelons-le, malgré les difficultés et vicissitudes quotidiennes, reste le seul pays du Tiers-monde où la malnutrition infantile n’existe pas, selon l’UNICEF.

3) Les sanctions ont un double aspect : l'extraterritorialité et la rétroactivité. N'est-ce pas illégal au regard du droit international?

Les sanctions sont effectivement à la fois rétroactives et extraterritoriales, ce qui constitue une grave violation du droit international. Ainsi, depuis 1996 et l’adoption de la loi Helms-Burton, par exemple, un investisseur français souhaitant construire un hôtel à Cuba sur des terres nationalisées dans les années 1960 risque d’être poursuivi par la justice américaine et voir ses investissements sur le territoire américain saisis. Il s’agit là d’une application à la fois rétroactive – c’est-à-dire que la loi s’applique pour des faits survenus avant l’adoption de la législation, ce qui est illégal – et extraterritoriale, c’est-à-dire que la loi sur les sanctions économiques s’applique à des nations tierces.
Par ailleurs, tout bateau de marchandises accostant à port cubain se voit interdire l’entrée du territoire américain pendant 6 mois.
Autre exemple, un constructeur automobile allemand ou japonais – peu importe sa nationalité en réalité – doit démontrer au Département du Trésor que ses produits ne contiennent pas un seul gramme de nickel cubain pour pouvoir les vendre sur le marché étasunien. Donc, Cuba ne peut pas vendre ses ressources et ses produits aux États-Unis mais dans ces cas précis, elle ne pourra pas les vendre à l’Allemagne ou au Japon. Ces mesures extraterritoriales privent ainsi l’économie cubaine de nombreux capitaux et les exportations cubaines de nombreux marchés à travers le monde.

4) Les sanctions ont également un impact dans le domaine de la santé. 

En effet. La Convention de Genève interdit pourtant tout embargo sur les aliments ou les médicaments, y compris en temps de guerre. Or, officiellement, Cuba et les États-Unis ne sont pas en guerre. Pourtant Cuba ne peut importer aucun médicament ou appareil médical des États-Unis, qui jouissent d’une situation de quasi monopole dans ce secteur.
Par exemple, Les enfants cubains ne peuvent bénéficier du dispositif Amplatzer fabriqué aux États-Unis qui permet d’éviter une chirurgie à cœur ouvert. Des dizaines d’enfants sont en attente de cette intervention. Rien que pour l’année 2010, quatre enfants âgés de 3 à 8 ans ont intégré cette liste. Sont-ils responsables du différend qui oppose Washington à La Havane ?

5) Vous évoquez également l'irrationalité conduisant à certaines décisions. Qu'entendez-vous par là?


Légalement, un touriste américain ne peut pas boire un verre de rhum Habana Club dans un café parisien ! Il ne peut pas non plus fumer un cigare Cohiba lors d’un séjour en France ! De la même manière, un Cubain résidant en France ne peut légalement pas manger un hamburger chez Mc Donald’s ! Il s’agit là du côté irrationnel des sanctions car elles sont inapplicables, mais elles sont illustratives de l’obsession des États-Unis à l’égard de Cuba.

Etat de siège. Les sanctions économiques des Etats-Unis contre Cuba
Prologue de Wayne S. Smith
Préface de Paul Estrade
Paris, Editions Estrella, 2011
15€
Disponible en librairie et sur http://www.amazon.fr/Siege-Sanctions-Economiques-Etats-Unis-Contre/dp/2953128425/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1317400645&sr=8-1
Pour toute commande dédicacée, veuillez contacter : lamranisalim@yahoo.fr

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