Blog d'opinion et de résistance. Les médias ne sont pas libres, mais simples outils de désinformation et de propagande pour l'Occident militaro-financier. Pas de liberté d'informer, donc pas de liberté ni de démocratie. La désinformation est l'ennemie Public N°1. Eva, journaliste-écrivain, libre-penseuse, dénonce et interpelle.
La capitale est assiégée par les pro-Thaksin.
Pour «rétablir la démocratie en Thaïlande», les leaders des «chemises rouges» - les partisans de l’ex-Premier ministre Thaksin Shinawatra - ont rameuté la fine fleur de la populace : transsexuels des bas-fonds de Pattaya, moto-taxis aux yeux rougis par le mauvais whisky et des mégères, vendeuses de salades de papaye verte, aux mains comme des battoirs. Depuis jeudi soir, cette foule bigarrée et avinée a pris le contrôle des principaux carrefours de la capitale thaïlandaise, Bangkok. Ils ont installé des «barricades de la démocratie» où les droits fondamentaux des citoyens sont assénés à coup de canettes de bière et de jurons. Une voiture tente de passer un de ces barrages. Une nuée de chemises rouges s’abat sur le véhicule, le tambourine et fait exploser le pare-brise. Quand le conducteur leur demande ce qui leur prend, la réponse fuse : «La foule a le droit de tout faire», lance un moto-taxi. Ces scènes de quasi-anarchie se sont répétées dans plusieurs quartiers de Bangkok. La police observe, et dit ne rien pouvoir faire.
C’est un peu comme si la capitale avait été temporairement sacrifiée pour préserver la station balnéaire de Pattaya où se tient, jusqu’à dimanche, le sommet de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (Asean) et de leurs partenaires asiatiques (Chine, Inde, Corée du Sud et Japon). Les «rouges» ont bien essayé de pénétrer dans le luxueux hôtel Royal Cliff Beach Resort, situé sur une colline de Pattaya, mais une haie serrée de policiers anti-émeutes, doublée par quelques centaines de fusiliers marins, les a tenus à l’écart.
Hissé sur un camion benne, Arisaman Pongruengrong, un ancien chanteur de charme, beugle dans un mégaphone qu’Abhisit Vejjajiva, l’actuel Premier ministre, «est un dictateur» et Thaksin Shinawatra - politicien milliardaire qui s’est enrichi grâce à des quasi-monopoles dans le domaine des téléphones portables - un «amoureux de la démocratie». «La Thaïlande est sous un régime oligarchique, un régime qui ne tient pas compte de la voix du peuple», indique Sittivet Chuongreukyen, un journalier de l’île de Koh Chang. A la question de savoir si l’ex-Premier ministre Thaksin faisait preuve d’esprit démocratique lorsque 3 000 personnes, dont des enfants, ont été abattues pendant une campagne antidrogue en 2003, Sittivet répond qu’il s’agissait d’une «politique nationale qui ne visait que les bandits trafiquants de drogue».
Malgré ce désordre, les quatorze chefs d’Etat et de gouvernements sont arrivés vendredi dans la station balnéaire pour ce sommet où ils doivent discuter de la stratégie asiatique face à la crise économique. «Ils [les chemises rouges, ndlr] ont le droit d’exprimer leurs opinions, mais nous espérons que la démocratie respectera aussi la loi et l’ordre public», indique Surin Pitsuwan, secrétaire général de l’Asean. Les chemises rouges souhaitent ternir l’image du gouvernement d’Abhisit Vejjajiva en entravant le déroulement du sommet. Dans la soirée, les partisans de Thaksin s’étaient repliés sur le parking du Big C, un supermarché local, avec l’intention de reprendre leur «campagne pour la démocratie» le lendemain.
Pattaya, envoyé spécial Arnaud Dubus