Tiré de la revue théorique italienne Marxismo Oggi, année 2009, n°1
Cette crise n’est pas une crise financière
mais une crise du capitalisme
D’après la majorité des médias, des économistes et des gouvernements, la crise actuelle est une crise financière, qui se serait par la suite étendue à l’économie « réelle ». Avec ce type d’analyse on ne saisit, toutefois, que la forme sous laquelle la crise s’est manifestée.
Cette analyse ignore le véritable contenu, qui réside dans les mécanismes d’accumulation du capital.
En effet, les crises sont un révélateur qui fait apparaître les contradictions du mode de production actuel. Parmi ces contradictions, la principale est celle entre production et marché. L’objectif des entreprises capitalistes est de produire pour réaliser des profits et, à cette fin, de réduire les coûts de production des marchandises de façon à augmenter les marges, c’est-à-dire la différence entre les coûts de production et les prix. La réduction des coûts de production passe par la réalisation d’économies d’échelle, c’est-à-dire par la production de masse de marchandises toujours plus importantes pour un même temps de travail. C’est en vue de cet objectif que des technologies et des machines toujours plus modernes sont introduites à la place des travailleurs, et que les rythmes et l’intensité de travail sont augmentés. Dans l’absolu, il s’agit de quelque chose de positif, puisque le développement de la productivité met à disposition des travailleurs, une masse de marchandises plus importante dans une période de temps plus réduite. Le problème, c’est que la production capitaliste n’est pas dirigée vers les simples consommateurs mais vers les consommateurs en mesure de payer un prix adéquat en vue d’atteindre le profit espéré. C’est là qu’est tout le problème : la production capitaliste est une production qui s’accroît sans se soucier du marché, c’est-à-dire de la capacité de la population à acheter les marchandises produites. De plus, étant donné que le profit est dû au travail non payé des travailleurs, la réduction relative de ces derniers par rapport au capital global employé provoque une chute du taux de profit, qu’on cherche à compenser à travers l’augmentation de l’exploitation et en produisant ensuite un plus grand nombre de marchandises.
Tout cela implique que la production tend toujours à excéder les capacités d’absorption du marché, déterminant un déséquilibre permanent entre les capacités productives et l’étroitesse du marché.
Une étroitesse qui est justement accentuée par le mécanisme qui remplace la force de travail par des machines et qui, par la suite, provoque l’expulsion des travailleurs du processus de production. Selon une étude de la Banque des règlements internationaux, des années 1980 à aujourd’hui, dans tous les principaux pays industrialisés, il y a eu un déplacement des salaires vers les profits dans le partage du PIB. En Italie, la part qui va aux profits est passée de 23,1% en 1993 à 31,3% en 2005. Il s’agit de 8% du PIB, équivalente à 120 milliards d’euro, soit 7000 euros que chacun des 17 millions de salariés italiens perd en salaire et que le capital gagne en profit. Mais la chose la plus intéressante dans l’étude de la BRI, c’est que la cause de ce phénomène est attribuée, non à la concurrence des travailleurs des pays « en voie de développement », mais à l’introduction de nouvelles technologies qui, chassant des travailleurs et détruisant l’organisation du travail, réduit les capacités de résistance et de négociation des travailleurs. De cette manière, on en est arrivé à la perte de pouvoir d’achat pour les salariés et les travailleurs se sont trouvés contraints à travailler plus, avec comme effet de réduire encore plus la demande de force de travail et d’aggraver le chômage. Par ailleurs, les nouvelles technologies ayant une forte composante informatique, qui devient obsolète plus rapidement, les restructurations sont devenues plus fréquentes. Donc, tandis que d’une part on multiplie l’offre de marchandises sur le marché, d’autre part on réduit la demande, qui en majeure partie est constituée par les travailleurs salariés, ou, dans le meilleur des cas, on ne permet pas à la demande d’augmenter dans les mêmes proportions que l’offre. Du reste, dans l’anarchie de la concurrence, quoique oligopolistique, qui règne dans le mode de production capitaliste, tout capitaliste individuellement, pour battre ses concurrents, tend à réaliser des économies d’échelles toujours plus grandes et à réduire les salaires de ses travailleurs, en les traitant comme des coûts à réduire plutôt que comme des acheteurs potentiels. Se produit ainsi une tendance à la surproduction de marchandises qui, trouve ses racines dans la surproduction de capital sous la forme des moyens de production. Ce qu’il est important de comprendre, toutefois, c’est que la surcapacité productive est telle dans le mode de production capitaliste, que l’on ne produit que quand on est sûr de réaliser un profit, et que la surproduction de marchandises se comprend dans les limites du marché capitaliste.
La crise ne marque pas une cassure dans le cours normal de l’économie, c’est la manière violente par laquelle le capital tente de résoudre ses contradictions. En effet, les crises ne voient pas seulement des milliards de capital fictif partir en fumée dans les krachs boursiers, mais provoquent aussi une destruction de capital réel à travers la perte de valeur des marchandises qui s’accumulent invendues dans les dépôts ou sont vendues à perte (aux États-Unis on en est arrivé à vendre deux voitures pour le prix d’une), et avec les moyens de production qui restent inactifs ou sous-utilisés. Les crises, ensuite, détruisent de la force de travail à travers les licenciements et, en provoquant la mort des entreprises les plus faibles et leur absorption de la part des plus fortes, aboutissent à la concentration de la production entre les mains de capitalistes toujours moins nombreux.
C’est seulement à ce prix que l’on crée les conditions pour que la production soit de nouveau profitable et puisse être relancée, reproduisant toutefois les conditions qui feront que la crise se répétera par la suite et sur une base plus large.
Le cas de l’automobile est symptomatique. Il s’agit d’un secteur qui a toutes les caractéristiques typiques de la grande industrie : une grande concentration progressive et une augmentation toujours plus forte de la composante technologique par rapport aux travailleurs employés. Un secteur dans lequel, selon les mots de l’administrateur délégué de Fiat, Marchionne, « la surcapacité productive est un problème général ». Aux États-Unis, en effet, la production de 2009 correspondra seulement à 45% de la production potentielle, soit 5 millions d’auto en moins par rapport à 2007. Selon CSM Worldwide, l’utilisation des usines des douze premières entreprises mondiales, déjà descendue à 72,2% en 2008, baissera en 2009 jusqu’à 64,7%. Les conséquences seront lourdes même pour les entreprises leaders sur le marché, les allemandes et les japonaises. En Allemagne on a licencié les travailleurs précaires (4500 chez Volkswagen), alors que le temps de travail hebdomadaire (et le salaire) a été réduit pour les deux-tiers des travailleurs stables de Volkswagen et en février et mars pour 26000 travailleurs de BMW ; au Japon, de son côté, Nissan a planifié 20000 licenciements. La situation est encore pire pour les entreprises américaines, parmi lesquelles GM et Chrysler qui seraient déjà en faillite sans les 14 milliards de dollars injectés par le gouvernement. GM, en particulier, prévoit la fermeture de quatre des vingt-deux usines étasuniennes et 31000 licenciements. Pourtant tout cela se déroule à la fin d’un processus dans lequel les trois majors de Détroit ont augmenté leur productivité. Selon le rapport Harbour, les majors de Détroit ont réduit l’écart avec les usines japonaises en Amérique en termes de temps nécessaire à la production d’un véhicule en passant de 10,51 heures en 2003 à 3,5 heures en 2007.
Du reste, la crise de 1929 a aussi été précédée par une période de forte augmentation de la productivité, tout comme elle a été déclenchée par un krach financier.
En effet, ce fut justement dans les années 20, qu’avec le fordisme, a été introduite la chaîne de montage. A partir des années 80, le fordisme a été adapté, devenant le toyotisme, qui, en flexibilisant le processus de production, a tenté de résoudre la contradiction entre marché et production. Le résultat de tout cela, c’est que les véhicules invendus, seulement dans les usines américaines, ont atteint fin janvier 2009 les trois millions, l’équivalent de 116 jours de vente aux niveaux actuels. Cela prouve que, dans les limites des rapports de production capitalistes, pour résoudre la contradiction entre production et marché, aucune technique managériale n’est suffisante. Que prévoit-on pour répondre au problème de la surproduction ? Le cas étasunien est encore une fois symptomatique. Au-delà des licenciements et de la semaine courte de 4 jours (working sharing), on prévoit un alignement de toutes les entreprises américaines sur les pires conditions salariales et sociales en vigueur dans les usines japonaises aux États-Unis.
Ensuite, cette crise aussi, comme les autres et même plus, étant donné sa gravité, dévorera ses victimes et marquera le début d’une série de fusions-acquisitions à l’avenir.
Toujours selon Marchionne, dans le marché mondial de l’automobile il y aurait de la place seulement pour cinq ou six producteurs qui pourraient arriver aux cinq millions de voitures produites (par an), indispensables pour réaliser les économies d’échelle minimales. Et c’est Fiat justement qui se distingue par son activité, s’agitant dans plusieurs directions, des joint ventures avec l’indien Tata, qui est entré aussi dans le capital de Fiat, à l’acquisition possible de Chrysler, en passant par la fusion invoquée avec Peugeot. La crise donnera ensuite un coup de pouce à l’internationalisation de la production, pour réduire les coûts et se rapprocher des nouveaux marchés, porteur de débouchés potentiels. Déjà aujourd’hui, Ford et GM produisent aux États-Unis moins de 32% de leur production globale, tandis que Fiat, Renault, Volkswagen produisent dans leurs pays d’origine respectivement seulement 34,9%, 34,7% et 33,6% de leur production totale. Ceux qui paieront seront, quand même, toujours les travailleurs avec la perte de leur emploi et avec la réduction des salaires.
Opposer dans un contexte capitaliste, l’économie « financière » et « réelle » n’a pas de sens et c’est se fourvoyer.
L’énorme développement du crédit et des marchés financiers trouve son origine dans le succès de la grande industrie qui a besoin de capitaux monétaires toujours plus grands à investir. La mondialisation de la concurrence, les fusions et les acquisitions, le gigantisme des entreprises, nécessaires pour réaliser des économies d’échelle toujours plus grandes, aboutit à l’augmentation continue de la demande de crédit et à l’accroissement de la taille des banques. Bien que les crises ne soient pas causées par le crédit et la finance, il existe un lien très étroit entre crise et crédit. Un tel lien se tient dans le fait que le crédit favorise et accélère la tendance à la surproduction de capital et de marchandises. Le crédit, en effet, permet à la production de s’accroître d’une manière qui ne serait autrement pas possible. Dans le même temps, les banques, en concentrant entre quelques mains l’épargne de la société et en la transformant en un investissement, font prendre au capital même une forme « sociale », favorisant la séparation entre la direction et la propriété. Se crée ainsi une production privée sans propriété privée et une nouvelle aristocratie financière et de top-manager, super-payée, indifférente aux limites du marché, et encline aux investissements très risqués, au parasitisme et à la spéculation.
De cette manière, se développe la tendance aux monopoles et à la surproduction générale chronique.
L’industrie actuelle se trouve depuis des décennies dans une situation de surproduction, à laquelle on a répondu en favorisant le crédit facile et donc l’endettement, tant du côté de l’offre, c’est-à-dire des entreprises, que du côté de la demande, c’est-à-dire des consommateurs/acheteurs. Pendant des années avec l’approbation des gouvernements américains, la FED a maintenu le coût de l’argent à des niveaux très bas, poussant les banques à prêter même aux agents potentiellement non-solvables. En particulier, on a incité à l’achat de maisons, car la propriété immobilière fournissait une garantie pour l’achat de biens de consommation comme l’automobile. On a accordé des prêts à presque tout le monde, et aussi à ceux qui n’avaient ni travail ni propriété, ce qu’on a appelé les prêts subprimes. La spirale de l’endettement s’est autoalimentée, grâce à la libération des marchés financiers et à la suppression des barrières et des règles introduites après la crise de 1929, et les prêts ont été titrisés c’est-à-dire transformés en titres – les fameux dérivés – vendus aux banques du monde entier. La spéculation s’est étendue à la titrisation des assurances sur les dérivés des prêts, les credit default swaps (CDS), qui ont atteint le chiffre astronomique de 45000 milliards de dollars. De plus, d’autres formes d’incitation à l’endettement ont été introduites comme les cartes de crédit revolving. Au fond, la demande de biens de consommation a été dopée, établissant sur des bases extrêmement fragiles l’expansion économique consécutive à la crise de 2001.
Aux États-Unis et au Royaume-Uni, l’endettement des familles en 2007 a atteint les 100% du PIB.
Entre-temps, les engagements financiers des banques ont augmenté jusqu’à la démesure : les banques européennes pour chaque euro de capital en caisse ont accordé 40 euros de prêts, les banques américaines encore plus. Tout cela ne pouvait pas durer et en effet cela n’est pas tenable. Quand la bulle immobilière a atteint son pic, en 2007, et qu’elle a éclaté, les habitations ont perdu jusqu’à 40% de leur valeur et leurs propriétaires ne sont plus arrivés à faire face à leurs prêts. Le système financier international s’est rendu compte qu’il avait dans le ventre des milliards de titres qui n’avaient pas plus de valeur qu’un bout de papier, auxquels s’ajoutait la masse des CDS, qui auraient pu l’emmener à son écroulement. De nombreuses banques, forcées d’inscrire les pertes dans leurs comptes, sont tombées en faillite, ont été achetées ou sauvées par l’État, et des centaines de milliards de capitalisation en bourse sont partis en fumée. En outre, l’incertitude sur la solvabilité des banques a mené à la paralysie du marché interbancaire et à la contraction du crédit, avec des conséquences dévastatrices pour les entreprises, déjà lourdement endettées et aux prises avec les nécessités de l’internationalisation, de la réorganisation de la production et du financement du crédit à la consommation.
La surproduction qui étrangle l’économie est désormais générale. En effet, selon la Banque mondiale, à la réduction du PIB mondial, pour la première fois depuis 1945, il faut ajouter la contraction du commerce mondial la plus importante des 80 derniers années, depuis celle de la grande Dépression des années 30. L’organisation internationale du travail prévoit entre 18 et 30 millions de chômeurs en plus, 50 dans les pires prévisions.
La crise a ainsi démontré de manière patente la faillite des capacités régulatrices du marché.
Significative a été la rapidité du coup de barre donné vers l’intervention de l’État, à partir justement des deux pays leader de la « révolution » néolibérale, les États-Unis et la Grande-Bretagne, et l’ampleur de l’intervention, surtout en faveur du crédit. Aux États-Unis, le programme d’aide fédéral, le Tarp, a déjà utilisé 294,9 milliards de dollars, dont 250 milliards pour la recapitalisation des banques, sur une somme totale allouée de 700 milliards, et Obama projette déjà d’allouer une somme supplémentaire de 2000 milliards. En Grande-Bretagne, l’État a acheté la Bearn Stearns, 60% de la Royal Bank of Scotland et 40% de Lloyds-Hbos, tandis que l’Allemagne, qui a déjà donné 90 milliards à Hypo et a acquis 25% de la Commerzbank, a approuvé une loi qui permet l’expropriation par l’État des banques en difficulté. Mais, étant donné que ces mesures ne suffisent pas à remettre en route le marché interbancaire ainsi que les prêts aux entreprises et aux familles, l’État a assumé directement le rôle de bailleurs de fonds, sans véritable espoir de retour sur investissement, des entreprises.
Au Japon, l’État a sorti 13 milliards d’euros, grâce auxquels il entrera éventuellement dans le capital des entreprises. En particulier, on a assisté à une course pour venir à la rescousse des producteurs nationaux d’automobile, des 14 milliards de dollars donnés à GM et Chrysler aux 7 milliards d’euros accordés à Renault et PSA, dont une partie ira aux branches de ces entreprises qui financent les achats à crédit. Des choix qui tous, avec la réduction pratiquement à zéro des taux d’intérêts pratiqués par de nombreuses banques centrales comme la Fed, démontrent qu’on cherche la solution à la crise dans des directions déjà empruntées, et qui ont déjà mené à l’échec, comme l’endettement et le protectionnisme, redevenu tout à coup à la mode avec le « achetez américain ». L’ensemble des ressources mises sur la table par les États-Unis atteint les 8000 milliards de dollars, soit 54% de leur PIB. Si nous pensons que les États-Unis ont dépensé 3600 milliards de dollars dans toute la Seconde guerre mondiale et, qu’en 1944, leurs dépenses militaires atteignaient 36% du PIB, nous avons une idée de la partie qui se déroule. L’augmentation des dépenses étatiques fera exploser le déficit public qui, aux États-Unis, dépassera cette année la barre des 10% et sera compris au Royaume-Uni entre 6 et 8%, tandis que l’Allemagne, la vertueuse, verra son déficit public à son maximum depuis 1945.
La croissance gigantesque des dettes publiques, déjà creusées aux États-Unis par des décennies de subventions aux entreprises et de dépenses militaires, conduira à la hausse des impôts, tandis que l’augmentation des émissions de bons du Trésor, unique investissement refuge restant, a déjà conduit à la baisse des revenus pour des millions de petits épargnants.
Dans le même temps, le prix des credit default swaps (CDS) sur les bons publics a augmenté, signe des craintes du marché sur la solvabilité de nombreux états. Tandis que les États-Unis, grâce au dollar, tentent de continuer à décharger le financement de leur énorme dette sur l’étranger, de nombreux pays périphériques, surtout en Europe de l’est, pris dans les difficultés de la récession, risquent une banqueroute qui aurait des contrecoups très lourds sur les banques européennes et sur l’euro.
Si l’échec du marché est désormais évident pour tous, moins évident est l’échec tout aussi grand de la propriété et de la production privée.
En Italie, par exemple, nous assistons au paradoxe apparent de ceux qui, le patronat en tête, demandent et obtiennent l’intervention de l’État sous forme d’aides et continuent à exiger la poursuite de la politique de privatisation, par exemple des services publics.
En fait, c’est justement dans les moments de difficulté que le capital se réfugie le plus dans les rentes de monopole, en dehors de toute concurrence. Dans tous les pays, le préalable à toutes les aides publiques accordées, c’est que l’État, même dans le cas où celui-ci deviendrait majoritaire dans une banque ou dans une entreprise, reste rigoureusement en dehors de leur gestion, peut-être en achetant des actions sans aucun droit de vote. Déjà l’expansion du crédit avait mis à disposition du privé le capital social (l’épargne de la collectivité), faisant de la production privée une production sans propriété privée. Aujourd’hui que l’État finance les banques privées ou fournit directement aux entreprises le capital employé, la propriété prend encore plus un caractère social. S’accroît donc la contradiction entre le caractère toujours plus social de la production et de la propriété et l’appropriation privée du produit de cette production, qui se concentre entre des mains toujours moins nombreuses.
Du reste, avec seulement cinq entreprises automobiles qui se partagent le marché mondial, comme le prévoit Marchionne, peut-on encore parler de propriété privée ? Il s’agit d’une production qui en réalité s’est déjà presque socialisée.
Nous avons plutôt une production privée sans propriété privée, et qui se sert de l’État comme d’un distributeur qui concentre le capital de toute la société. La crise ne se résoudra pas avec toutes ces aides aux entrepreneurs privés ou en injectant des masses d’argent dans le puits sans fond de l’insolvabilité de banques qui continuent à ne pas prêter d’argent. La crise se résoudra seulement si on s’attaque à ses racines, qui ne se trouvent certainement pas dans les revenus des super-managers.
En premier lieu, cela n’a pas de sens de maintenir le caractère privé de la production, quand les capitaux sont publics.
L’anarchie irrationnelle de la concurrence et le déséquilibre permanent entre production et circulation des marchandises demeureraient, au détriment des travailleurs/contribuables.
De telles contradictions peuvent seulement être résolues par une coordination d’ensemble, la planification de l’économie de la part de la collectivité, selon les priorités de la société et de l’environnement, et en commençant par la renationalisation des banques et des services publics. Ensuite, il faut s’attaquer à la contradiction entre le développement des forces productives et rapports de production. Les découvertes technologiques et l’énorme augmentation de la productivité qui en a découlé dans les dernières décennies, peuvent permettre de réduire le temps de travail plutôt que de mettre des travailleurs au chômage. Mais cela ne peut se faire que si le temps de travail est réduit pour le même salaire, libérant ainsi des besoins et la possibilité de les satisfaire, et élargissant ainsi les limites du marché. S’il est vrai que la crise libère les monstres de la xénophobie et de l’autoritarisme et que la dépression de 1929 a ouvert la voie aux fascismes, cette même crise a aussi entraîné des réactions à gauche. Aux États-Unis en 1932 le sénateur Black, opposé au working sharing, qui redistribuait seulement la pauvreté et non le travail, a proposé une loi pour la réduction du temps de travail à 30 heures, qui fut seulement vaincue par l’opposition commune de Roosevelt et des entrepreneurs. Ce fut au contraire en France qu’en 1936, en pleine crise, fut approuvée une loi pour les 40 heures, qui a porté, pour le même salaire, le temps de travail annuel de 2496 à 2000 heures.
La différence entre les États-Unis et la France c’est, qu’à l’époque, en France, était au pouvoir ce grand exemple d’intervention et d’action politique des travailleurs que fut le Front Populaire.
Une expérience politique sur laquelle, mutadis mutandis, il vaudrait la peine de réfléchir.
Aujourd’hui, en conclusion, face à une crise exceptionnelle qui met en évidence la faillite de tout un mode de production, le fantôme que l’on a voulu exorciser dans les derniers vingt ans redevient d’actualité, le socialisme.
La possibilité de répondre à la crise économique et à la crise politique de la gauche passe ainsi par la capacité de proposer un projet pour une organisation alternative de la société et de l’économie.
Tiré du site de l’Ernesto : http://www.lernesto.it/
Domenico Moro
http://socio13.wordpress.com/2010/09/12/cette-crise-n%E2%80%99est-pas-une-crise-financiere-mais-une-crise-du-capitalisme-par-domenico-moro/