JP Chevènement dénonce la situation en Libye.
Une parole forte à découvrir !
Un interventionnisme expéditif, improvisé et incohérent - pour Chevènement
Lors du débat de politique étrangère du Sénat, le 7 février, Jean-Pierre Chevènement a mis en évidence les incertitudes et les risques de dégradation des situations en Libye et en Syrie, avec des conséquences sur la rivalité entre l’Iran et l’Arabie Séoudite. Le sénateur semble ne pas croire qu’il s’agit bien de la politique d’Alain Juppé, soupçonnant (sans le dire) l’empreinte du président de la République.
Par rapport à sa précédente intervention (voir Libye et Afghanistan : les sages conseils du sénateur Chevènement - 15 juillet 2011), la tonalité est plus critique. Jugez-en par sa conclusion, que voici :
Cette politique porte la marque d’une improvisation et d’une incohérence qui ne vous ressemble pas. Il serait temps que la France revienne à une politique à la fois plus réaliste et plus proche des principes qui sont traditionnellement les siens : refus de l’ingérence, respect de l’autodétermination des peuples et protection égale de tous. Un certaine retenue accompagnée d’un effort lucide d’impartialité et d’objectivité, seraient plus conformes à nos intérêts qu’une diplomatie qui semble puiser son inspiration dans une forme d’interventionnisme expéditif, proche de celui pratiqué en 2003 par les néoconservateurs américains beaucoup plus que dans la tradition réaliste de notre politique étrangère dont nous pensions qu’elle était aussi la vôtre.
Lire le reste de l’intervention : Notre politique étrangère porte la marque d’une improvisation et d’une incohérence
Monsieur le Ministre d’Etat,
Je souhaite attirer votre attention sur la situation passablement chaotique qui se développe en Libye depuis la chute de Mouamar Khadafi :
Arrestations arbitraires, actes de torture relevés par des organisations humanitaires comme Amnesty International ou Human Rights Watch, comme ceux qui ont laissé mort l’ancien ambassadeur libyen à Paris, M. Brebech à Zentane, le 20 janvier 2012, ville où par ailleurs se trouve détenu Saïf Islam Kadhafi, traitement racistes de travailleurs africains, heurts armés, ainsi dans la ville de Beni Oulid, où un « Conseil des Anciens » issu de la tribu des Warfalla semble désormais s’être affranchi du gouvernement de transition, développement des féodalités locales fragmentant le pays, dissémination d’armes dans la bande sahélienne, avec les menaces qui recommencent à peser sur le Mali, le Niger, le Tchad, dissensions enfin à l’intérieur du Conseil National de Transition qui vient d’adopter une loi électorale fondée sur un système de listes pour élire la prochaine assemblée constituante. Or ce système de listes adopté sous la pression des Frères musulmans ne peut évidemment que leur profiter. Le CNT a aussi décidé de faire de la charia la source principale du droit et d’autoriser à nouveau la polygamie que la Libye était avec la Tunisie le seul pays arabe à avoir aboli.
Vous nous confirmerez, M. le Ministre, si là était bien le résultat recherché et, sinon, quelles démarches le gouvernement français a entrepris auprès des autorités libyennes pour faire respecter les doits de l’Homme dont se réclamait la révolution libyenne soutenue par l’OTAN. Nous ne pouvons que nous interroger sur le fait de savoir s’il n’eût pas mieux valu à l’été 2011 rechercher une issue politique, comme il semble que cela eût été possible, sous l’égide de l’Union africaine.
Vous-même, dans votre intervention du 12 juillet à la tribune du Sénat déclariez : « L’intervention militaire n’est qu’un moyen et non une fin ; la fin c’est la recherche d’une solution politique et nous y travaillons d’arrache-pied ». Vous évoquiez « un processus politique » et souhaitiez qu’une force de stabilisation internationale, de préférence une force de l’ONU, soit dépêchée sur place. C’eût été la sagesse pour favoriser une paix sans exaction, sans vengeance et sans esprit de revanche.
En réalité, nous sommes allés bien au-delà de la « responsabilité de protéger » qui était au fondement de la résolution 1973 adoptée le 17 mars 2011 par le Conseil de sécurité de l’ONU.
Vous avez interprété la résolution 1973 comme si elle fondait un droit d’ingérence pour permettre le fameux regime change, le changement de régime contraire au principe de non ingérence qui, jusqu’à nouvel ordre, guide la doctrine de l’ONU et constitue un principe de notre politique extérieure, réaffirmé y compris par l’un de vos prédécesseurs, M. Kouchner, à l’occasion d’un communiqué franco-chinois signé en avril 2009. J’ai encore dans l’oreille la déclaration du Premier ministre le 22 mars 2011 devant le Sénat : « Nous appliquons toute la résolution 1973 et rien que la résolution 1973 ». Or nous l’avons interprétée de manière très extensive.
Ce jusque-au-boutisme a favorisé le désordre actuel.
Vous me direz sans doute, monsieur le Ministre d’Etat, qu’il est trop tard pour revenir sur le passé.
Eh bien non ! Il n’est pas trop tard, car en allant bien au-delà de la résolution 1973, vous avez discrédité la notion de « responsabilité de protéger » que l’ONU avait adoptée en 2005, notion qu’elle distinguait bien évidemment du prétendu « droit » ou « devoir d’ingérence ». Distorsion telle que l’un des vrais concepteurs du principe de la responsabilité de protéger, l’ancien ministre des Affaires étrangères australien, M. Gareth Evans, s’en est ému dans un article récent.
Et nous voilà projetés au cœur du drame syrien où la « responsabilité de protéger » serait bien utile mais ne peut s’exercer du fait de l’obstruction au Conseil de Sécurité de pays comme la Chine et la Russie qui s’étaient abstenus, le 17 mars 2001, sur la résolution 1973 relative à la Libye. Le précédent libyen pèse lourd en Syrie.
La Russie soutient, certes pour des raisons intéressées, le régime de Bachar El Assad contre ce qu’elle appelle « l’ingérence étrangère » laquelle est en fait une révolution populaire où s’affirment des éléments islamistes extrémistes. Au-delà de la revendication de la liberté et de la démocratie pour le peuple syrien, n’y a-t-il pas des forces qui veulent transformer la Syrie en champ clos d’une rivalité autrement plus décisive entre l’Iran et l’Arabie Séoudite ? Et ne peut-on craindre, en toute lucidité, à la lumière de l’évolution de l’Irak, les conséquences qui s’ensuivront à terme pour des minorités, notamment chrétiennes, au sort desquelles la France déclarait n’être pas indifférente ?
On en vient ainsi naturellement à l’Iran. La France se situe à l’avant-garde de l’embargo décrété par l’UE sur le pétrole iranien, au prétexte de conduire l’Iran à la table des négociations et d’éviter ainsi des frappes israéliennes. Cette attitude qui s’insère dans une logique de surenchère ne garantit pas la suite et comporte dans l’immédiat un effet certain qui ira l’inverse du but recherché : les puissances asiatiques, à commencer par la Chine, occuperont la place laissée vide par les Occidentaux.
Le Golfe arabo-persique cesserait ainsi, par la force des choses, d’être essentiellement orienté vers le monde occidental.
Une nouvelle étape de la désoccidentalisation du monde se profile ainsi à l’horizon ce qui explique une plus grande retenue américaine. Dans le même temps, dans le contexte des retraits occidentaux d’Afghanistan, se lève chez les Iraniens la crainte d’un encerclement de leur pays par un intégrisme sunnite dominé par l’alliance du Pakistan et de l’Arabie Séoudite. La France a-t-elle bien mesuré les risques d’engrenage ?
On comprend la circonspection de la Turquie de M. Erdogan. Celle-ci a pris une position d’arbitre. La Turquie est évidemment une puissance d’équilibre dans la région. Etait-il bien judicieux de nous la mettre à dos par le vote d’une loi prétendant écrire l’Histoire ? (…)
Cet article est le 26ème paru sur ce blog dans la catégorie Chevènement sénateur
Pourquoi y avait-il des manifestations conre la guerre d'Irak, et rien contre toutes les guerres abominables actuelles ? (eva)
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Armes made in Israel
pour les Contras syriens de l’Oncle Sam ?
Le fait mérite d’être noté :jusqu’à une date récente, l’État hébreu ne s’était guère fait remarquer sur le volet syrien de ce que nos media ont – un peu abusivement, il est vrai – appelé les « révolutions arabes ».
La (relative) prudence hiérosolymitaine n’était pas infondée. Les Israéliens estimant notamment le comportement de Washington sur le sujet comme essentiellement « ostentatoire ». Le veto russe a, semble-t-il, passablement durci la position israélienne. Le Premier ministre Binyamin Nétanyahu haussant le ton. Tout comme d’autres personnalités hiérosolymitaines. Ainsi, Gabrielle Shally, ancienne diplomate en poste à l’Onu, a dénoncé ce qu’elle a appelé « l’état de régression du Conseil de sécurité des Nations-unies ». Avec, toutefois, un bémol (de taille). Selon elle, s’il ne faut pas « laisser toute seule l’opposition syrienne », il faut éviter que s’ingérer dans les affaires intérieures de la Syrie ne débouche sur une ingérence équivalente dans les affaires israélo-palestiniennes…
Au bout du compte, Tel-Aviv reste beaucoup plus prudent que bien des Européens jouant les Rodomonte. L’ancien ambassadeur israélien à l’Onu, Itamar Rabinovitch, concluant simplement « qu’Israël serait content de la chute de Bachar el-Assad ».
Simple vœu pieux ? Ou plus ?
Interrogé, lui aussi, sur le dossier syrien, le député Yitzhak Herzog a reconnu avoir des « contacts avec l’opposition syrienne », notamment des éléments appartenant au pro-américain CNS.
Est-ce tout ? Évidemment, non !
Scrutant quotidiennement les images en provenance de Syrie, quelle n’a pas été ma surprise en tombant sur des images passant en boucle sur I-Télé – notamment lors du journal permanent à 19:15 du 7 février 2012 – de noter la présence entre les mains d’un Contra syrien, supposé se battre à Homs, d’un fusil d’assaut made in Israel : un FAL, plus précisément.
Qu’est-ce qui me permet d’être aussi formel ? Certes, les insurgés salafo-takfiristes qui ont pris le pouvoir en Libye grâce aux Guernica en série de l’Otan – et, depuis, y torturent violent et massacrent à outrance – ont mis la main sur des FAL achetés par la Libye auprès de la firme Herstal. Or, ces FAL sont aisément reconnaissable à leur garde-mains de couleur noire en polymère ou ryslan.
De son côté, Tsahal a adopté le FAL en remplacement du Mauser-CZ, au lendemain de la crise de Suez (1956). Des FAL 50-00, 50-61 et FALo (modèle lourd d’appui), pour être précis, produits en Israël par IMI en échange de la licence de fabrication de l’Uzi accordée à la FN Herstal.
Or, ces FAL made in Israel vont subir quelques modifications dont la plus voyante est le garde-mains en demi-coques de bois striées sur la partie postérieure et une partie antérieure métallique perforée. Naturellement, les FAL israéliens portent des marquages en hébreu.
Question : comment cet ustensile belgo-hiérosolymitain a-t-il pu aboutir entre les mains d’un milicien pro-occidental dans les ruelles de Homs ?
Les FAL d’IMI ne connurent qu’une carrière assez brève au sein des Forces de Défense israéliennes (Tsahal, en français courant) :la Guerre des Six jours puis la Guerre du Kippour, principalement. L’arme ne donna jamais entièrement satisfaction, l’homme de troupe – bien qu’appartenant à des unités d’élite comme le Sayeret Golani, en 1961 à Nuqieb (Syrie)[1] ; le Sayeret Egoz, en janvier 1969 au Liban[2] ; le Sayeret Tzanhanimn, le 22 janvier 1970, sur l’île de Chédouan[3] ou à Suez en 1973[4] – lui préférant carrément les armes prises à l’ennemi : AK-47, AKM voire même Port-Saïd[5].
Tsahal n’en gardât pas moins ses FAL. On les vit donc réapparaître aux mains d’autres miliciens pro-occidentaux : ceux des félons de l’ALS, la qualitativement piètre Armée du Liban-Sud qui servira surtout de force-tampon aux troupes israéliennes stationnées au Liban.
L’auteur de ces lignes en a même photographié un exemplaire au Musée de Khiam qui jouxte le Camp de concentration & de torture de Khiam de triste mémoire, au Sud Liban. Trois pistes – et pas une de plus – permettent donc d’expliquer la présence d’un FAL made in Israel entre les mains d’un Contra takfiriste pro-US :
1° Une arme tombée aux mains des troupes syriennes et conservée dans un dépôt lambda du côté de Homs. Possible. Mais une arme ne présente, pratiquement, d’intérêt pour celui qui s’en empare qui si elle vous est fournie avec les munitions et les chargeurs qui vont avec. Or, le FAL est chambré en 7,62×51 mm (calibre Otan) peu couru dans l’impedimentum de l’armée syrienne majoritairement dotée d’armes en 7,62×39 mm et 7,62×54 mm (calibres russes).
2° Une arme fournie directement par Israël. Tsahal les stockant scrupuleusement à toutes fins utiles. Piste techniquement possible mais douteuse cependant. En effet :
I.Les logisticiens israéliens sont les premiers à connaître les difficultés d’approvisionnement du FAL, côté syrien.
II.Les FAL israéliens sont marqués et aisément reconnaissables. Or, à moins d’une volonté d’envoyer un « signe » à Damas, livrer ce type d’armes aux insurgés pro-occidentaux ne sert pas à grand-chose.
III.Tsahal dispose en quantité massive d’armes de guerre – AK-47, AKM, RPK, RPM, etc. – compatibles (et quasiment pas identifiables quant à leur origine) avec les munitions et pièces de rechange de l’armée syrienne.
3° Une arme fournie par le canal des alliés libanais de l’Occident, ex-miliciens kataëb (le Dr. Samir Geagea n’a pas fait mystère de ses préférences) ou politiciens hariro-futuristes sunnites.
Quoi qu’il en soit, une chose est sûre le FAL – made in Israel ou ailleurs – ne s’achète pas dans une épicerie de quartier. Il a donc bien fallu que quelqu’un fasse l’effort de le faire passer entre les mains des Contras du CNS ou de l’ALS, l’Armée (dite) libre syrienne.
Notes
1 Israeli Elite Units since 1948, p.54, Samuel Katz, Osprey Ltd.
2 Israeli Elite Units since 1948, p.45, Samuel Katz, Osprey Ltd.
3 Israeli Elite Units since 1948, p.57, Samuel Katz, Osprey Ltd.
4 Israeli Defense Forces since 1973, p.48, Samuel Katz, Osprey Ltd.
5 Version égyptienne du Carl Gustav 45 suédois, chambré en 9×19 mm.
http://www.geostrategie.com/4319/armes-made-in-israel-pour-les-contras-syriens-de-loncle-sam/