Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
14 juillet 2010 3 14 /07 /juillet /2010 03:27

 


Le Woerthgate, Médiapart, et la renaissance des médias français

Auteur : Fabrice Epelboin - Source : ReadWriteWeb France

 

 

Alors que par­tout dans le monde, l’industrie des média s’interroge sur la façon de muter afin de s’insérer dans le numé­rique, un vil­lage peu­plé d’irréductibles Gaulois résiste encore et toujours à l’envahisseur digital.




Subventions, conni­vences, guerre ouverte avec les repré­sen­tants de l’envahisseur numé­rique – comme Google qu’il s’agit de taxer – tout est bon pour conser­ver le monde d’antan, y com­pris relan­cer des jour­naux mori­bonds en fai­sant mine de croire que les années 60 sont revenues


VIDEO sur le site


Les sub­ven­tions per­met­taient d’imaginer un monde où la presse gau­loise aurait enfin trouvé un suc­cé­dané de modèle écono­mique, à défaut de com­prendre que la publi­cité, dans le numé­rique, devait être par­ta­gée avec beau­coup d’autochtones, et qu’il y avait bien d’autres voies à explo­rer, mais c’était sans comp­ter sur les lec­teurs – en voie de dis­pa­ri­tion – et le rôle sup­posé de la presse dans une démo­cra­tie, celui d’un qua­trième pouvoir.

Contre toute attente, alors qu’Hadopi et Loppsi avait déjà réduit à néant auprès d’une géné­ra­tion toute entière la cré­di­bi­lité de la presse tra­di­tion­nelle, c’est la presse en ligne qui a adopté le modèle écono­mique le moins ima­gi­na­tif qui est en passe de don­ner ses lettres de noblesses à l’information sur inter­net : Mediapart.

En par­tant du prin­cipe – juste mais jugé irréa­liste par beau­coup (dont moi) – que les lec­teurs se devaient de finan­cer l’indépendance de la presse, le « pure player » fondé par Edwy Plenel a su, après quelques années d’existence, ren­ver­ser l’équation funèbre en com­mençant par le com­men­ce­ment : démon­trer l’utilité démo­cra­tique d’un média indé­pen­dant pour atti­rer à lui des lec­teurs payants. Et ça marche.

Depuis l’affaire Woerth-Bettencourt, Mediapart engrange les abon­ne­ments au rythme de plu­sieurs cen­taines par jour, au point où il est rai­son­nable d’estimer désor­mais qu’il attein­dra tôt ou tard le seuil fati­dique de la ren­ta­bi­lité. Un cap que bien peu d’organes de presse d’information peuvent se tar­guer d’avoir dans leur objectif.

En impo­sant l’agenda poli­tique plu­sieurs semaines de suite, Mediapart a réussi de façon fla­grante ce que les blogs avaient fait de façon plus dis­crète avec Hadopi dans les années qui pré­cé­dèrent : per­tur­ber la machine média­tique au ser­vice de l’Etat, impo­ser un débat là où les pro­prié­taires de groupes de presse n’en vou­laient pas. Sauf que cette fois, il ne s’agit pas de démon­trer l’iniquité d’une loi, mais du sys­tème tout entier.

Comme le résume fort à pro­pos Le Point, s’adressant à ses lec­teurs dans un article repre­nant leurs com­men­taires sous le titre expli­cite de « Affaire Woerth-Bettencourt : faut-il faire table rase ? » :

« Législateurs, poli­tiques de tous bords, ins­ti­tu­tions judi­ciaires, médias : tous les acteurs de la vie publique vous appa­raissent enta­chés, leur légi­ti­mité dégradée. »

Une situa­tion unique dans une démocratie

Dans la plu­part des autres démo­cra­ties de la pla­nète, la presse tra­di­tion­nelle, même si elle est égale­ment dans une situa­tion dra­ma­tique face au numé­rique, a gardé la main sur ce rôle de qua­trième pou­voir : aucun acteur n’est venu lui ravir cette posi­tion. Il existe bien des exemples, comme le Huffington Post, où des ‘pure players’ sont venu s’insérer dans le club du contre pou­voir, mais sans jamais jusqu’ici les en évincer.

En France, Mediapart, accom­pa­gné de Rue89 et de bak­chich, et suivi d’une cohorte de blogs dont cer­tains affichent désor­mais des fréquen­ta­tions et une ‘influence’ naguère réser­vée aux titres de presse, on tout sim­ple­ment ravi à la presse tra­di­tion­nelle ce rôle de qua­trième pouvoir.

Car la presse tra­di­tio­nelle, de l’aveu même de la direc­trice de la rédac­tion du Monde,  »se laisse trop sou­vent ins­tru­men­ta­li­ser et perd son rôle de contre-pouvoir ». Un constat amer pour ce qui fut autre­fois un jour­nal de réfé­rence, sym­bole même de ce contre pouvoir.

L’actualité poli­tique (et pas seule­ment) se fait désor­mais exclu­si­ve­ment ou presque sur inter­net, les média tra­di­tion­nels, eux, se contentent désor­mais d’en rendre compte à leur lec­teurs (en pre­nant trop sou­vent le soin de fil­trer ce qui pour­rait déplaire aux action­naires ou aux annonceurs).

La presse papier Française réduite à un rôle de ‘fol­lo­wer’, là où le New York Times, le Washington Post ou le Guardian ont mon­tré qu’ils sont encore les maitres sur leurs terres pour ce qui est d’imposer l’agenda poli­tique : cette situa­tion est unique dans le monde, résul­tante d’une conjonc­ture de musel­le­ment de la presse, dou­blée d’une crise écono­mique qui l’a poussé à une crise exis­ten­tielle (tar­dive) qui confine à l’apathie.

Ce constat ne sur­pren­dra nul­le­ment ceux qui ont sui­vit depuis le début les affron­te­ments entre les poli­tiques au pou­voir et la blog­go­sphère au sujet d’Hadopi, débat promp­te­ment muselé dans les média sous divers pré­textes : ‘trop geek’ pour cer­tains, trop dan­ge­reux au vu de la proxi­mité des action­naires avec les inté­rêts en jeu pour d’autres. Mais les conséquences de trois années de contrôle et d’auto cen­sure sur la presse offi­cielle on pro­voqué une double décré­pi­tude de celle-ci : abime finan­cière, dou­blée d’une perte abso­lue de crédibilité.

En France, qu’une infor­ma­tion soit don­née sur du papier, à la télé, ou sur inter­net, il est pru­dent de la véri­fier soit même et de la remettre en question.

Seuls quelques rare sources d’information peuvent être jugées cré­dibles car réel­le­ment indé­pen­dantes, et toutes ou presque, sont exclu­si­ve­ment dis­po­nibles sur inter­net (dont cer­tains titres de la presse papier Suisse et Belge, bien plus lucides et cou­ra­geux quel leurs homo­logues Français).

Pire encore, en refu­sant le dia­logue entre ceux qui pro­duisent l’information et des lec­teurs deve­nus contri­bu­teurs, elle s’est aliéné toute pos­si­bi­lité de pou­voir un jour rebon­dir sur une com­mu­nauté, à l’image des blogs, mais égale­ment de sites comme Mediapart ou Rue89 qui eux ont com­pris que les lec­teurs avaient radi­ca­le­ment changé, notam­ment par le fait qu’ils contri­buaient désor­mais de façon active à l’information, à sa dis­sé­mi­na­tion, et à l’âme d’un média sur inter­net, là où ils n’étaient naguère que de simples portes monnaie.

La com­mu­nauté a rem­placé depuis long­temps le lec­to­rat, et très peu de média en France sont conscient du bou­le­ver­se­ment sys­té­mique que cela repré­sente, du mar­ke­ting à la façon même de pro­duire de l’information, tout, abso­lu­ment tout a été changé par ce simple fait. En conti­nuant sa course effré­née au lec­to­rat en ligne, à coup de réfé­ren­ce­ment et de Google News, et en négli­geant de façon sys­té­ma­tique la dimen­sion com­mu­nau­taire, la presse tra­di­tion­nelle n’a guère fait que creu­ser sa tombe un peu plus profondément.

Une chance pour la France ?

Ce qui pour­rait n’apparaitre que comme une situa­tion dra­ma­tique pour l’écosystème de l’information poli­tique Français pour­rait s’avérer en réa­lité une fan­tas­tique oppor­tu­nité pour la presse Française.

Une entre­prise de presse est infi­ni­ment dif­fi­cile à recon­ver­tir. Lois sociales ren­dant tout chan­ge­ment en terme de per­son­nel dis­pen­dieux, habi­tudes gra­vées dans des conven­tions col­lec­tives impos­sibles ou presque à faire évoluer, droit d’auteur bloquant tout – jusqu’à la fameuse Hadopi, ce qui pour le coup est assez drôle -, un constat s’impose : face à un sys­tème aussi conser­va­teur, il est beau­coup plus simple de tout effa­cer et de recom­men­cer à par­tir d’une feuille blanche.

Du passé fai­sons table rase

C’est pro­ba­ble­ment ce constat qu’on du faire, à un moment ou un autre, les fon­da­teurs de Mediapart, de Rue89 ou de bak­chich, res­pec­ti­ve­ment des anciens du Monde, de Libération et du Canard Enchaîné. Car der­rière ces pure players, ce sont bien des vieux bris­cards de la presse tra­di­tion­nelle que l’on retrouve aux com­mandes, qui ont emporté avec eux leurs idéaux d’une presse qui a un rôle cen­tral dans le fonc­tion­ne­ment d’une démo­cra­tie, qu’elle soit en ligne ou sur papier.

L’étouffement par le pou­voir en place de la presse «pas vrai­ment en ligne» n’aura au final qu’un seul effet, celui de don­ner un ter­ri­toire au pure players. Un ter­ri­toire très dif­fi­cile à pré­emp­ter pour le pou­voir en place, à moins de pas­ser de façon radi­cale dans le camps des dic­ta­tures. Le pou­voir se contente pour l’instant de tout faire pour le dis­cré­di­ter, à l’aide d’une méthode appe­lée Loi de Godwin, en usage depuis déjà plu­sieurs années chez les com­mu­ni­cants de l’UMP dès qu’il s’agit de par­ler d’internet.

Au final, si tant est que l’on reste encore quelques années dans une démo­cra­tie (ce qui reste encore à ce jour assez pro­bable), le ter­ri­toire média­tique Français sera fon­da­men­ta­le­ment dif­fé­rent de ce qu’il était avant que l’actuel pré­sident de la répu­blique – ami intime avec la plu­part des patrons de l’ancienne presse – n’arrive au pou­voir. Une accé­lé­ra­tion de la muta­tion de la presse unique dans le monde d’aujourd’hui. Seules les dic­ta­tures ont connu un tel bas­cu­le­ment, et encore, pas dans un laps de temps aussi court.

Du point Godwin à l’explosion nucléaire ?

Mais non content de détruire les entre­prises de ses amis, le pou­voir en place pour­rait bien être sur le point, avec sa stra­té­gie de Godwin, de faire de même avec l’entreprise de l’un de ses finan­ciers occultes.

Pour défendre son ter­ri­toire, celui d’une presse docile qui ne fait guère que repro­cher au pou­voir en place ses choix en matière d’horlogerie Suisse, la stra­té­gie de ges­tion de crise choi­sie par le pou­voir – dis­cré­di­ter l’adversaire «inter­net» en le qua­li­fiant de fas­ciste et de col­labo – défie l’entendement, et montre une inca­pa­cité à anti­ci­per les réac­tions du camp d’en face, celui de l’internet tout entier, du plus res­pec­table organe de presse en ligne au plus har­gneux des trolls, sou­dés et coa­li­sés contre un pou­voir una­ni­me­ment res­senti comme injuste, inique et corrompu.

La menace d’un revi­val du Front National ? N’est-ce pas pré­ci­sé­ment la stra­té­gie mis en place par «l’internet» lors de l’affaire Mitterrand ?

Car la ques­tion qui com­mence à défer­ler dans les com­men­taires des lecteurs-citoyens n’est pas loin s’en faut en faveur du FN – assez dis­cret qui plus est dans le Woerthgate – elle consiste a faire rebon­dir le point Godwin sur l’origine même des fonds sus­pects, au risque de trans­for­mer un scan­dale poli­tique en catas­trophe indus­trielle et bour­sière. Une catas­trophe qui repo­sera entiè­re­ment sur les épaules de l’UMP.

Même si les accu­sa­tions de fas­cisme et de col­la­bo­ra­tion­niste à l’égard d’internet sont mon­naie cou­rante dans le camp de l’UMP, quel est l’abruti qui a décidé d’adopter la même stra­té­gie dans l’affaire Woerth-Bettencourt, ex affaire Barnier-Bettencourt, au risque d’en faire une affaire Bettencourt-tout-court et de pro­voquer un exa­men de conscience de la France toute entière sur son passé col­la­bo­ra­tion­niste et fasciste ?

N’y a-t-il pas quelqu’un au châ­teau capable de voir là un jeu à deux bandes offert sur un pla­teau d’argent à ses adver­saires ? En accu­sant l’internet de fas­cisme, le pou­voir n’est-il pas tout sim­ple­ment en train de creu­ser sa propre tombe ?

La presse libre désor­mais syno­nyme d’internet

Tout cela ne serait pas com­plet sans citer un autre média, monté lui aussi pas un ancien de la presse tra­di­tion­nelle, qui s’est échappé pour mon­ter un média online avec, qui plus est, le même modèle écono­mique que Médiapart : Arretsurimages, qui décrypte comme per­sonne l’affrontement média­tique entre la presse libre et celle qui est plus ou moins sous contrôle. Edifiant, et indis­pen­sable.


VIDEO sur le site



En tant que citoyens – pour peu que vous soyez sou­cieux de res­ter en démo­cra­tie -, il ne vous reste plus qu’une chose à faire :

Soit une dizaine d’euros par mois pour conser­ver une démo­cra­tie. Ce n’est pas bien cher, à peine plus que le prix d’une hypo­thé­tique licence glo­bale, alter­na­tive à la sur­veillance géné­ra­li­sée de la popu­la­tion ins­tau­rée par Hadopi puis Loppsi, autre grande menace pour la démo­cra­tie Française.


sabre au clair


Auteur : Fabrice Epelboin - Source : ReadWriteWeb France



Commentaire :


Cependant, le contenu de ces nouveaux journaux du Net accuse lui aussi une dérive vers la droite, pas aussi accentuée que sur la presse papier, mais significative. Seuls les blogs conservent vraiment cet esprit frondeur du Net qu'on aime. Pas tous les blogs bien sûr, car tout l'éventail des opinions y est représenté, et c'est tant mieux. Pour donner des exemples, Gauche de Combat ne traitera pas l'information de la même façon que L'Hérétique, ce qui ne les empêche pas d'être remarquables tous les deux.

BO


http://www.dazibaoueb.fr/article.php?art=14256

 

 

Partager cet article
Repost0

commentaires

3
Good quality target records preserves lifestyles, together with unexpected emergency companies posting solutions in the suitable spot economically.
Répondre
M
chek.
Répondre
E
<br /> <br /> Bonjour Fabrice<br /> <br /> <br /> je l'avais mise sous l'article comme en principe je fais chaque fois<br /> <br /> <br /> alors, je l'ai mis maintenant aussi en haut. Comme ça, deux fois, en haut et en bas, ça va ?<br /> <br /> <br /> Cordialement, eva<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
F
<br /> <br /> A défaut de respecter le copyright, soyez gentil de mettre en lien vers la source de cet article ;-)<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre

Présentation

  • : R-sistons à la désinformation
  • : Blog d'opinion et de résistance. Les médias ne sont pas libres, mais simples outils de désinformation et de propagande pour l'Occident militaro-financier. Pas de liberté d'informer, donc pas de liberté ni de démocratie. La désinformation est l'ennemie Public N°1. Eva, journaliste-écrivain, libre-penseuse, dénonce et interpelle.
  • Contact

Profil

  • Eva R-sistons
  • Journaliste de profession. Radio,TV,presse,productrice émissions. Auteur de plusieurs ouvrages chez éditeurs de renom. Milite pour une information libre,plurielle,diversifiée, indépendante des grands groupes.
  • Journaliste de profession. Radio,TV,presse,productrice émissions. Auteur de plusieurs ouvrages chez éditeurs de renom. Milite pour une information libre,plurielle,diversifiée, indépendante des grands groupes.

Recherche

Archives

Pages