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22 juin 2010 2 22 /06 /juin /2010 00:59

Welcome to the Machine

Plusieurs articles, parus notamment dans la presse américaine, parfois traduits en français, ont entrepris de décrire et d’analyser l’influence des nouvelles technologies (Internet, SMS, flux RSS, Facebook, Tweeter, disponibles sur les PDA, téléphones portables et autres iPhone et iPad) sur notre comportement (voir Is Google Making Us Stupid?, Hooked on Gadgets, and Paying a Mental Price et An Ugly Toll of Technology: Impatience and Forgetfulness). Leurs conclusions sont véritablement effarantes – pour ne pas dire effrayantes – tant les changements induits semblent profonds et irréversibles.
  
  
Êtes-vous encore capable de lire un livre ?
  
Tout commence par un simple constat : « Depuis que j’utilise Internet de façon assez intensive, j’ai de plus en plus de mal à me concentrer pour lire un article un peu long, a fortiori un livre. » Sur Internet, on zappe d’une page à une autre, d’un article à une autre, en s’interrompant de temps à autre pour jeter un œil sur un mail qui vient d’arriver ou un SMS qu’on vient de recevoir … rien d’extraordinaire ni d’inquiétant en apparence. Mais, insensiblement, notre rapport au monde extérieur a été modifié.
  

Si l’on prend un peu de recul, advancedmatrixphp.gifon se rend compte que notre capacité d’analyse, notre habileté intellectuelle à manier des concepts, des idées, des raisonnements complexes, est érodée par ce flux d’informations qui nous « bombarde » en permanence. L’explication de cette évolution est très simple : chaque information nouvelle stimule chez nous un réflexe primitif, celui du chasseur qui a vu « quelque chose bouger dans le buisson », qui nous pousse à réagir en priorité à la sollicitation immédiate.

  
L’envie de lire le dernier mail ou le dernier SMS qui vient d’arriver sur notre iPhone et s’est signalé par un message sonore ou visuel est donc quasiment irrésistible : nous interrompons l’article que nous sommes en train de lire, la conversation que nous tenons, pour concentrer notre attention sur l’élément d’information le plus récent qui, dans 95 % des cas, n’a qu’une importance très relative.
  
Les implications de ce comportement sont beaucoup plus importantes qu’on ne le perçoit : les nouveaux médias reconfigurent non seulement notre comportement et nos habitudes mais également notre cerveau. Celui-ci ne pense plus « comme avant » : il est de moins en moins capable d’effectuer le travail de synthèse, de réflexion maturée, de « pensée profonde », fruit de la « configuration » auquel la lecture de longue durée avait abouti.
  
Même déconnecté temporairement de tous ces stimuli extérieurs, notre cerveau ne pensera plus « comme avant » : il a été « reconfiguré » et reste incapable ou peu capable de concentration. Il va continuer à se comporter de façon décousue, par « flash » et bribes d’information.
  
Cette transition nous préoccupe d’autant moins que l’idée selon laquelle notre cerveau fonctionne et doit fonctionner, si nous voulons être « performants », comme une machine capable de traiter un maximum d’informations, et ce le plus vite possible, est aujourd’hui le business model et le cultural model dominant. L’intérêt économique et financier des Google, Apple & Co. est que nous consommions un maximum d’informations et de messages en tous genres afin que notre cerveau enregistre le plus grand nombre possible de messages publicitaires. Plus nous interagissons avec la machine, plus celle-ci s’implante dans notre cerveau.
  
Le résultat ? images.jpgInsensiblement mais sûrement, en tout cas très sûrement en ce qui concerne les jeunes générations qui n’ont jamais connu d’autre environnement, nous sommes en train de devenir des « individus-crêpes » : connectés « à plat » à une myriade de sources d’informations qui nous stimulent en permanence mais de moins en moins capables d’« épaisseur » dans notre pensée.
  
D’une certaine manière, nous nous « ordinateurisons » : nous acquérons un peu plus chaque jour la capacité d’emmagasiner dans une mémoire « flash » un nombre croissant de données. Mais nous sommes de moins en moins capables d’en extraire une réflexion, une pensée ordonnée.
  
  
La « machinisation » de l’homme
  
Les conséquences de cette évolution vont être immenses, tant sur le plan sociologique et comportemental que politique.
  
Certaines sont d’ores et déjà observables : nombre de « dépendants » de ces nouvelles technologies les préfèrent et sont plus à l’aise en leur compagnie qu’en présence de « vrais humains ». On a également observé chez eux, par rapport à des « non-technophiles », un niveau de stress plus important, une impatience grandissante, de l’impulsivité, de l’étourderie, voire du narcissisme.
  
Globalement, on observe donc une diminution de l’empathie, une baisse des échanges directs entre êtres humains, les contacts virtuels (par mail, via SMS, Facebook ou autres) étant privilégiés. Concrètement  on va interrompre la conversation avec « l’ami(e) » effondré(e) et déprimé(e) qui est en face de nous pour répondre à un SMS ou à un appel téléphonique anodin : la faculté emphatique s’est émoussée, elle est beaucoup moins puissante que le stimulus de la dernière information reçue.
  
C’est donc bien le noyau de notre personnalité qui est ainsi modifié. La perte de contact avec le monde réel est chaque jour un peu plus grande… on glisse vers un univers à la Matrix.
  
  
Vous avez dit politique ?
  
Sur le plan politique, les conséquences d’une telle évolution vont également être très profondes. Essayons de les décrypter.
  
À court terme, partant du principe selon lequel notre cerveau accorde de plus en plus d’importance à la dernière information qui vient d’arriver, on peut imaginer une manipulation croissante de l’information, via des rumeurs propagées sur Tweeter, par SMS ou autres moyens d’information instantanée. Une rumeur même absurde mais à fort impact électoral propagée massivement quelques heures avant un vote – ou le jour du vote – aura plus de poids que toutes les analyses de fond ou croyances profondes qu’une campagne électorale « classique » aura pu faire émerger.
  
Plus globalement, l’incapacité croissante des individus à « penser profondément » ne peut que favoriser ceux qui nous « bombardent » d’informations parce qu’ils en ont le pouvoir médiatique et financier. Faute de pensée profonde, la contestation du pouvoir en place se traduira alors par des jacqueries, des révoltes de la faim ou de la misère que l’on calme avec des piécettes ou que l’on réprime plus ou moins violemment. Mais elle ne pourra déboucher sur une alternative politique globale, faute d’avoir la capacité de la penser.
  
Entre le XVe et le XXe siècle, la diffusion de plus en plus massive du livre et l’essor de la « pensée profonde » qui a accompagné cette croissance ont permis de faire spectaculairement progresser la démocratie. La transformation accélérée de ce « modèle » à laquelle nous assistons est des plus préoccupante pour l’avenir de la démocratie.
  
Les idéologies – tant critiquées au XXe siècle – vont devenir inconcevables, au sens étymologique du terme : nous ne saurons imaginer de telles architectures, de tels concepts, nous contentant de traiter les problèmes un par un, le plus vite possible, au fur et à mesure de leur survenance. Si tel est le cas, nous assisterions à une régression mentale et sociétale majeure, où le mot même de politique serait vidé de son sens.
  
  
Lundi
© La Lettre du Lundi 2010

 

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  • Journaliste de profession. Radio,TV,presse,productrice émissions. Auteur de plusieurs ouvrages chez éditeurs de renom. Milite pour une information libre,plurielle,diversifiée, indépendante des grands groupes.
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