A la télé, au menu
la mondialisation bienheureuse,
et surtout pas malheureuse !
Par eva R-sistons
Viviane Forestier ("Forrester") avait écrit chez Fayard
un désormais célèbre "l'Horreur économique".
Aujourd'hui, c'est pire:
L'horreur financière !
Je reprends l'article publié récemment
pour illustrer l'idée suivante:
A la télé, dans les Médias,
on ne parle pas des méfaits de la mondialisation,
si vous préférez on parle seulement de la mondialisation heureuse,
et c'est ainsi qu'en période de crise,
on n'entend jamais parler de "crise du capitalisme"
ou de crise du libéralisme,
ou évidemment de... mondialisation malheureuse,
mais seulement de crise,
comme c'est vague !
Or donc, dans l'article ci-joint,
publié récemment,
je vous entretenais
de l'émission de Public Sénat sur l'archipel du Goulag,
pour déconsidérer la Russie
et surtout le communisme,
au cas où certains auraient quelque nostalgie,
à l'heure de la faillite du capitalisme,
du libéralisme financier.
Et j'ai juste envie d'attirer l'attention sur ceci,
plus clairement.
Soljenitsyne
intéresse la télévision
quand il discrédite le communisme.
Il n'intéresse plus la télévision
quand, à la fin de sa vie,
il prend ses distances avec le capitalisme
comme avec le communisme.
La télévision va désormais,
j'en suis sûre,
ressortir tous les poncifs contre le communisme,
contre le socialisme
(avec des amalgames à la clef),
ceci pour sauver le Système qui s'effondre
et dont elle doit faire quotidiennement
la propagande.
Alerte !
Au lieu d'organiser un débat,
par exemple sur l'actualité de Marx,
sur les Systèmes alternatifs,
vous n'entendrez que des critiques
sur tout ce qui n'est pas le libéralisme,
et vous continuerez à entendre
la défense du système actuel
qui broie la vie de tant de peuples.
Désertons la télévision
lavage de cerveau !!!
Eva R-sistons à la mondialisation malheureuse,
au libéralisme financier,
et exigeons le débat sur les alternatives !
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Viviane Forrester
Mondialisation de l’économie ou schizophrénie planétaire
Le tsunami financier qui déroule sous nos yeux médusés et passifs, ses miasmes qui gangrènent un corps déjà malade d’un système, me fait rappeler une rencontre, celle d’une femme, Viviane Forestier, auteure d’un livre L’horreur économique. Ce livre, publié il y a plus de dix ans, posait de manière claire et sans ambiguïté, le problème de la crise de schizophrénie aiguë dont souffre notre planète.
Viviane Forestier écrit : « Nous vivons au sein d’un leurre magistral, d’un monde disparu que des politiques artificielles prétendent perpétuer. Nos concepts du travail et par-là du chômage, autour desquels la politique se joue (ou prétend se jouer), n’ont plus de substance. Des millions de vie sont ravagées, des destins sont anéantis par cet anachronisme. » L’imposture générale continue d’imposer les systèmes d’une société périmée afin que passe inaperçue une nouvelle forme de civilisation qui déjà pointe, où seul un très faible pourcentage de la population terrestre trouvera des fonctions. L’extinction du travail passe pour une simple éclipse, alors que pour la première fois dans l’histoire, I’ensemble des êtres humains est de moins en moins nécessaire au petit nombre qui façonne l’économie et détient le pouvoir ! Nous découvrons qu’au-delà de l’exploitation des hommes, il y avait pire et que devant le fait de n’être plus même exploitable, la foule des hommes tenus pour superflus peut trembler, et chaque homme dans cette foule. De l’exploitation à l’exclusion, de l’exclusion à l’élimination... ?
Mondialisation, compétitivité, globalisation, concurrence internationale, flexibilité, délocalisation et autres « shareholders value », « concepts nouveaux » qui se traduisent dans la réalité par de « nouvelles » formes d’organisation et de gestion des entreprises, ne parviennent pas à travestir une seule réalité : les résultats obtenus à court terme sont, pour les managers, plus importants qu’une réflexion stratégique à long terme sur la pérennité de leur entreprise et sur leurs responsabilités face aux finalités humaines et sociales des organisations qu’ils dirigent. Tout est défini en termes d’opposition, de dichotomie, voire d’antinomie. Pour trop de gens, les finalités humaine et sociale d’une organisation ne peuvent-être et ne doivent être qu’une conséquence, une résultante, de préférence heureuse, des finalités et objectifs économiques ! Le dirigeant d’une des plus grandes entreprises multinationales suisses déclarait récemment que « notre responsabilité sociale, c’est de maximiser nos profits. C’est le seul moyen de créer des emplois et de demeurer compétitifs. Il vaut mieux couper immédiatement que dans dix ans des emplois insuffisamment productifs. C’est mieux pour les employés qui peuvent se recaser avant qu’ils ne soient trop vieux, c’est mieux aussi pour la santé de l’entreprise ». La responsabilité sociale d’un chef d’entreprise « managé » et contrôlé par un conseil d’administration, n’est-elle pas au contraire de comprendre et de faire en sorte que les trois finalités essentielles de son organisation, économique, humaine et sociale soient en permanence interdépendantes et que la satisfaction de l’une dépend obligatoirement de la satisfaction de l’autre ?
Il est évidemment difficile, pour un manager confronté à la permanence de son poste et au maintien de son niveau de vie, de « s’investir » sur autre chose que les résultats financiers à court terme. Une seule exigence subsiste : que cessent les « discours » sur le capital humain, actif le plus précieux, très souvent lus en première page de la plupart des rapports annuels et sentencieusement évoqués lors des repas de fin d’année. Le bilan social d’une entreprise est l’avorton du bilan économique des actionnaires. Il s’agit tout simplement d’un problème de cohérence entre le discours et les actes et du respect que l’on doit à soi-même et aux autres. Il est vrai que bon nombre de « gourous » de renommée mondiale, experts en organisation et restructuration d’entreprise sont là pour rassurer et déculpabiliser les décideurs, le montant de leurs honoraires étant souvent proportionnels aux « économies » qu’ils promettent de faire faire à leurs clients, quel qu’en soit le coût humain et social pour la communauté. On compte environ 200 millions de chômeurs actuellement dont la grande majorité dans les pays en développement, la dette américaine est actuellement à plus de 10 000 milliards de dollars. Le maître du Casino royal, Alan Greenspan, patron de la Fed jusqu’en 2006, a joué et surjoué avec les taux, les abaissant même à 1% pendant un an contre toute logique économique mais au profit des financiers de Wall Street qui ont engrangé plus de 90 milliards de dollars ces dix dernières années en revenus, tandis que la dette hypothécaire des ménages américains (les fameux subprimes) passait en l’espace de 5 ans de 5530 à 11 000 milliards de dollars en 2007. Ces chiffres froids, et loin d’être exhaustifs représentent la véritable « performance » réalisée par les champions de la pensée unique en économie. L’économie, cette discipline pseudo-scientifique qui prétend régir les rapports entre les hommes, alors que la pérennité de l’humanité ne se fera que sur la base d’une approche radicalement différente qui suggère que l’homme reste au centre des préoccupations. D’aucuns diront que cette crise va nécessairement remettre en cause « le veau d’or », que ce n’est plus l’argent qui mène le monde, que les libéraux adeptes du laisser-faire et de la dérégulation et du tout profit vont revisiter leur copie. Il m’est souvenir que John Keynes (l’inspirateur de la mise en place de la régulation de la politique monétaire, les accords de Bretton Woods en1944) avait déjà alerté, en 1919, les chantres du libéralisme sur les dérives et dangers du marché, il n’avait pas été écouté. La montée du nazisme commença en 1920, sur les braises de la crise économique. Puissent aujourd’hui, les « grands » de ce monde entendre raison, enfin, grands ! que parce que nous sommes à genoux.
Par
Viviane Forrester est une écrivaine, essayiste, romancière et critique littéraire, née le 29 septembre 1925 à Paris.
En 1943, elle a dû s’exiler en Espagne pour échapper aux rafles antijuives.
Elle est critique littéraire au quotidien Le Monde. Elle collabore également à l’hebdomadaire Le Nouvel Observateur et à La Quinzaine littéraire. Après un grand succès en tant que romancière, lauréate du prix Femina Vacaresco en 1983, pour son livre Van Gogh ou l'Enterrement dans les blés, elle devient elle-même membre du jury de ce prix. Elle est considérée comme une spécialiste de Virginia Woolf et de Vincent Van Gogh.
Elle a été connue au plan international par ses livres politiques. Dans L'Horreur économique (prix Médicis1996) et Une étrange dictature elle critique la mondialisation de la société. Elle fait partie des membres fondateurs d’Attac. Elle est membre du comité de parrainage de la Coordination française pour la Décennie de la culture de paix et de non-violence.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Viviane_Forrester
Par Eva R-sistons
La chaîne parlementaire:
Au menu, l'Archipel du Goulag,
"ce réquisitoire implacable du communisme".
Un bon prétexte pour taper sur les Russes,
un bon prétexte pour déconsidérer le communisme,
au cas où certains esprits chagrins,
mécontents de la mondialisation "heureuse",
s'aviseraient de regarder ailleurs,
et en l'occurrence, du côté du socialisme,
ou même du communisme.
Le capitalisme montre ses limites,
et même se casse la gueule,
ce n'est pas une raison pour qu'on
ait envie de changer de système.
On ne change pas un Système
qui rapporte tant à l' "Elite" !
Et donc, en avant l'Archipel du Goulag,
la Russie, le communisme,
les jolis amalgames,
en avant la désinformation,
la propagande !
Au fait,
à la fin de sa vie,
Alexandre Soljenitsyne, paraît-il,
était très critique vis-à-vis de la mondialisation "heureuse".
Mais ça, ça n'intéresse pas nos médias courtisans...
Eva R-sistons
à nos médias partisans et de propagande
Préservons notre liberté,
Suite au commentaire reçu d'Anne :
Juste pour signaler l'autre livre clé de V Forrester : "Le crime occidental" qui montre la complicité des pays occidentaux alliés dans l'holocauste et dans la genése du conflit entre juifs et palestinniens, une autre clé pour comprendre l'histoire contemporaine.
Anne W.
CRIME OCCIDENTAL
mercredi 25 mars 2009 par la rédaction de Montray Kreyol
Et si les Israéliens et les Palestiniens n’étaient pas victimes les uns des autres, mais tous deux ensemble de l’histoire européenne, de ses crimes antisémites ?
L’auteur, documents à l’appui, démontre comment les puissances occidentales (Europe et Etats-Unis) refusèrent d’accueillir sur leur sol des juifs tentant de fuir la folie hitlérienne, et comment, au sortir de la guerre, plutôt que de « se repentir » auprès d’un peuple sciemment martyrisé, elles préférèrent se débarrasser des survivants en facilitant leur regroupement sur une terre extérieure, alors occupée par des autochtones arabes considérés comme quantité négligeable, voire inexistants.
Ce malentendu originel empêcherait toute résolution définitive des antagonismes. Les puissances occidentales continuent de proposer leurs bons offices en tant qu’arbitres alors qu’elles sont directement responsables de la tragédie proche-orientale.
source : Benjamin Joyeux. LE MONDE DIPLOMATIQUE | décembre 2004| Page 34
Le Crime occidental.
de VIVIANE FORRESTER
Aux Editions Fayard,
Paris, 2004, 244 pages, 17 euros.
.
http://www.montraykreyol.org/spip.php?article2239
Viviane Forrester, Editions Fayard, 2004
vendredi 25 février 2005, par Alice Granger
Le style de Viviane Forrester est très accusatoire. Documents à l’appui, il est évident qu’il y a eu, de la part des démocraties occidentales, une fraternité sourde avec les oppresseurs, une façon de laisser carte blanche aux nazis pour les Juifs encombrants. Aucune puissance occidentale, lorsque les Juifs commençaient à être persécutés par le régime nazi, des années avant le déclenchement de la guerre, n’accepta de revoir à la hausse ses quotas d’immigration si bas. Pas même les Etats-Unis ! En 1938, le ministre des Affaires Etrangères dit à son homologue allemand que les Français ne désiraient plus accueillir des Juifs venant d’Allemagne, alors l’Allemagne pourrait-elle prendre des mesures quelconques pour les empêcher de venir en France…
Des Juifs indésirables partout ! Instinct antisémite à fleur de peau !
Tandis que, à la même époque, il y avait encore aux Etats-Unis la Ségrégation des Noirs, et en Europe le colonialisme avait encore de beaux jours ! Le dogme du mépris à l’égard d’une sous-humanité dominait encore ! L’antisémitisme se mêlait à ce mépris à l’égard de ceux qui étaient vus comme une sous-humanité !
A la fin de la guerre, les frontières ne s’ouvrirent pas plus ! Pourtant, puisqu’ils étaient si nombreux à être morts, le monde n’était plus aussi…saturé de Juifs ! Mais les survivants ne purent pas, la plupart du temps, retrouver la place qui leur revenait de droit dans le pays qui était le leur, là où ils s’étaient intégrés depuis des siècles !
En puissance, ils restaient indésirables, par-delà les atrocités ! Le projet de création d’un territoire juif, Etat souverain, était donc très logique, pour accueillir ceux dont aucun pays ne voulait, surtout les pauvres.
L’antisémitisme en puissance dans les démocraties occidentales ne fut pas contredit par l’ouverture massive des frontières par ces démocraties, qui ont maintenu leurs quotas très bas.
Viviane Forrester insiste sur le fait que Palestiniens et Israéliens sont étrangers à leur Histoire actuelle, victimes ensembles d’une Histoire soi-disant révolue, restée en suspens, une Histoire européenne dont ils ne furent ni les uns ni les autres les bourreaux ni les coupables. Des puissances occidentales, encore ancrées dans le colonialisme, prirent en 1948 à des Arabes, considérés par ce colonialisme comme une sous-humanité, des terres pour les donner à cette autre sous-humanité, ces Juifs indésirables, pauvres rescapés des camps nazis et des persécutions, population issue de l’Occident dominateur. En Occident, on pourrait alors repousser le sentiment de culpabilité naissant de toujours trouver indésirables ces pauvres Juifs par-delà leur terrible malheur, culpabilité non seulement de n’avoir rien fait mais aussi de ne toujours rien faire, on pourrait refouler encore plus loin l’antisémitisme, ne jamais analyser son pourquoi intime ! On les aurait, ces indésirables, mis à l’abri sur des terres pris à d’autres, mais quelle importance, ces autres étaient vus par le colonialisme comme des inférieurs, de toute manière déjà sous tutelle, d’abord l’empire ottoman puis le mandat britannique ! Et ces Britanniques ont d’autant mieux été d’accord pour donner la Palestine aux Juifs que, la même année, ils avaient renoncé à l’Empire des Indes et la Palestine n’avait donc plus de rôle stratégique sur cette route vers les Indes.
Les démocraties occidentales n’auraient plus besoin de culpabiliser, oui elles n’avaient pas voulu ouvrir leurs frontières à ces malheureux, oui, elles avaient continué à les trouver indésirables sur leur sol, mais, n’est-ce pas, elles avaient fait mieux, elles leur avaient trouvé une terre, un abri, un Etat, et la population arabe éjectée, quelle importance ? Une population palestinienne mise dehors par une décision occidentale, pas par la population israélienne, pas par un acte de conquête.
Herzl, Juif viennois fondateur officiel du sionisme, souhaitait une émigration qui aurait pour effet d’apporter une bouffée d’air aux classes moyennes des pays antisémites, qu’il acceptait de considérer comme asphyxiées par la présence de leurs compatriotes juifs…Il voulait sauver la masse, mais ne voulait pas pour lui l’exil, il se sentait être un leader en phase avec les grands de ce monde, allant pour cette raison au-devant des désirs antisémites…Les Sionistes déjà installés en Palestine avaient eux-mêmes du mépris pour ces pauvres rescapés des camps arrivant en Palestine.
Antisémitisme occidental jamais analysé ! En quelque sorte, la création du nouvel Etat, en Palestine, était symptomatique de cette non analyse occidentale de son antisémitisme ! Presque un geste antisémite totalement dénié, mettre à l’abri sur une autre terre ceux que nous ne voulons pas chez nous, comme cela plus jamais n’apparaîtra que nous ne les voulons pas chez nous, ceci sera refoulé, de même que chez nous alors la moindre parole antisémite sera censurée tout de suite car, n’est-ce pas, antisémites nous ne le sommes pas ! Refoulement total de notre antisémitisme d’Occidentaux, nous ne l’avons jamais été ! Nous avons totalement oublié que, face à ces autres que nous voyions comme différents, nous avons pu être aussi intolérants et haineux ! Ceux qui, encore, se manifesteraient antisémites, ne seraient qu’un accident vite censuré ! Refoulement total ! Bonne conscience !
Viviane Forrester elle-même, au style si accusatoire, et qui étudie si rigoureusement les documents, l’analyse-t-elle, essaie-t-elle elle-même de comprendre ce qui se passe dans le fait de trouver ces…autres indésirables sur notre sol ? Essaie-t-elle d’entendre de quoi il s’agit quand quelqu’un croit que c’est son sol, son pays, et que ce n’est pas celui de cet autre, même s’il est là depuis des siècles, même si la Révolution Française le reconnaît comme citoyen à part entière ? Qu’est-ce qui, chez ces autres, était vécu comme si différent, et si dangereux ? Ceci, Viviane Forrester non plus ne l’analyse pas ! Nous aurions aimé que sous sa plume le refoulé fasse retour !
Elle se contente de dire qu’il existait un peu partout en Europe, mais ne le montre jamais en acte ! Ce que disaient les antisémites, ce qu’ils disaient de ces autres spéciaux, ne s’entend pas, comme si le fait de son refoulement était acquis ! Elle parle des démocraties occidentales, des puissances occidentales, de l’Occident, elle ne parle pas des Occidentaux en particuliers, de tel et tel Occidental qui s’est senti "asphyxié", et pourquoi donc ?, par la présence juive. On aurait aimé qu’elle aborde aussi ce genre de documents, dans lequel par exemple un écrivain antisémite dit des choses…Juste pour essayer d’entendre le pourquoi ? Mais Viviane Forrester reste à un niveau général. L’Occident, le crime de l’Occident. Refoulement de l’acte et de la parole antisémite ! Et, désormais, continuer à le censurer dès qu’il se pointe ! Alors que l’antisémite, lui, il sent vraiment la présence autre, il sent vraiment à quel point cet autre est là, avec ses qualités à lui, de sa manière horrible et haineuse il reconnaît pourtant cet autre, même à vouloir aussitôt sa disparition ! L’antisémite dit quelque chose, dit peut-être une autre présence au monde qu’auraient les Juifs du fait de leur déracinement, cela l’inquiète, il voudrait tuer cet autre qui, peut-être, lui semble plus batailleur, plus pragmatique, plus débrouillard, il voudrait aussi accentuer ses faiblesses pour se persuader qu’il n’est pas plus fort que lui. Paradoxalement, et sous une forme haineuse, l’antisémite reconnaîtrait peut-être mieux que tout le monde la spécificité juive, et voudrait l’anéantir comme par jalousie intense. Quelque chose se passe, en tout cas, dans le fait antisémite. Il y a un relief incroyable de l’autre radical, l’autre dit juif, que ressent l’antisémite, qui veut aussitôt détruire ce relief qui risque de lui en enlever à lui.
Alors, refouler radicalement la parole antisémite, ou bien aller dans son sillage, mais sans chercher à occulter par la haine radicale ce que cette parole reconnaît de qualités à cet autre, accepter d’analyser son propre dérangement, et peut-être, prendre de la graine, accepter de se déraciner soi-même, de se remettre en question, au contraire de se replier ? Peut-être en arriver soi-même à se déraciner et rejoindre ainsi la spécificité juive, se mettre soi-même en exil du cocon douillet, du repli, s’en trouver la capacité, admettre d’être radicalement mis en question par l’autre ?
Céline s’était lui-même mis dans une situation de risque extrême en mettant en écriture son antisémitisme ! Lui, cet autre radical, il l’a senti d’une manière exacerbée, et la haine s’est déchaînée ! Mais il y a dans le texte de Céline, au sein même de son antisémitisme atroce, presque un début de reconnaissance de l’autre radical, même d’une manière négative. Céline avoue presque son sentiment d’infériorité à lui…Le danger extrême qu’il sent, lui, dans son abri, danger d’être mis nez à nez avec sa propre infériorité face à des déracinés, des gens depuis deux millénaires en route donc ayant développé par cette expérience d’autres qualités que des gens ayant la sensation de n’avoir jamais quitté leur abri, il le crie ! Il crie son antisémitisme ! Il se sent en danger d’être tiré de son abri non pas par ces autres radicaux, ces déracinés sachant souvent pour cette raison bien s’intégrer par-delà les persécutions, mais tiré de son abri parce que, à cause d’eux, il ne peut plus ignorer son infériorité. L’autre le vise au visage ! Le dérange dans son cocon. L’interpelle du point de vue de l’hospitalité ! Et de sa curiosité à l’égard de l’autre.
C’est donc très curieux, ce texte de Viviane Forrester ! C’est un travail impeccable, elle a du souffle, pour défendre deux peuples en conflit prenant son origine dans la décision de création d’un Etat neuf qu’ils n’ont pas prise eux-mêmes. Elle est extraordinaire pour démontrer que, certes, le peuple juif est sur des terres autrefois aux Palestiniens, certes les Palestiniens ont été chassés de ces terres et c’est logique qu’ils luttent pour avoir eux aussi à nouveau des terres, mais ce crime-là, chasser des hommes de la terre qu’ils habitaient depuis quinze siècles, a été commis par les démocraties occidentales, et même le sionisme, à ses début, peinait à trouver des candidats au retour sur des terres bibliques en Palestine. Et ce crime-là, chasser les Palestiniens de leurs terres pour y mettre les Juifs dont on ne voulait nulle part ailleurs, venait donc dans le sillage d’un autre crime, occidental, un crime antisémite, disons-le. Le crime de déclarer sur le sol des démocraties occidentales des Juifs, la plupart du temps pauvres, non désirables ! Vous, nous n’en voulons pas ! Par conséquent, nous n’avons pas regardé de trop près ce que faisait de vous le régime nazi. Et ensuite, le régime nazi vaincu, nous n’avons toujours pas voulu de vous, mais, quand même, nous vous avons offert un abri par des terres certes pas à nous, mais quelle importance, elles étaient à des Arabes, c’étaient des terres comme celles que nous avions déjà l’habitude de coloniser…Viviane Forrester, d’une seule traite, dans ce texte qui est un seul chapitre, comme écrit d’un souffle, souffle puissant et accusatoire, dénonce le crime, le double crime, le crime occidental antisémite, et le crime, disons, colonial ayant fait chassé des Arabes de leurs terres, mais en même temps, elle ne nous présente jamais l’autre radical, on pourrait dire l’autre s’étant attiré sur lui ce crime.
Comme ministère public, elle prend la parole, c’est un très efficace réquisitoire, mais on n’entend, dans cette sorte de procès, qu’elle, et elle, et encore elle. Bien sûr, son but est de démontrer que l’Occident est un virtuose de la délégation, de la résorption de sa responsabilité, responsabilité notamment politique.
Elle a raison, la situation si conflictuelle au Proche-Orient a sa cause dans la responsabilité occidentale.
Et il faut espérer que Palestiniens et Israéliens puissent un jour se parler sans avoir besoin des grandes puissances occidentales !
Cependant, l’antisémitisme, sera-t-il un jour analysé ? Ou bien la perspective de la résolution du conflit du Proche-Orient rendra-t-il inutile d’avoir à le faire ?
Alice Granger Guitard
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