« Une politique qui se borne
à brasser des rêves
les trompe tous »
François Mitterrand
Les récentes « festivités » du 14 juillet nous permettent, une fois de plus, d’analyser la « communication » présidentielle, tant sur le fond que dans la forme… Décryptage.
Cette communication ne se réduit bien sûr pas aux 5 (!) interviews-trottoir données par le chef de l’État et Madame. Dans la communication sarkozyste, rien, absolument rien, n’est laissé au hasard et à la spontanéité.
Finie donc l’interview « solennelle » du Président de la République. Il faut faire jeune, moderne, « peuple » même. Voici donc l’interview-trottoir, où Sarkozy répond aux questions (parfaitement calibrées car préparées par la cellule communication de l’Élysée) sur un ton qui se veut décontracté, un peu comme les champions que l’on interviewe au bord de la piste du stade olympique lorsqu’ils ont réalisé une bonne performance. Le parallèle n’est d’ailleurs pas anodin : nous sommes à une étape du Tour de France et on interviewe avec respect un maillot jaune auto-proclamé…
Attardons-nous un peu sur le fond. Que nous dit le Prince ? Que tout va bien, qu’il a restructuré et modernisé l’armée, comme on le fait d’une entreprise, qu’on a acheté des camions neufs, du bon matériel et que tous ces braves militaires sauront bien s’en servir.
S’en servir pour quoi au fait ? C’est là que le bât blesse : ce qu’il faut moderniser, ce n’est pas seulement le matériel, c’est avant tout et surtout la doctrine d’emploi. En d’autres termes, les bonnes questions (non posées par les journalistes), c’est « Tout ce matériel, pour quoi faire ? », « Quelle stratégie globale ? Régionale ? » « On fait quoi dans quel scénario ? », « Quelle politique en Afrique ? Au Moyen-Orient ? Dans quel but ? », « Avec qui ? », « Qui décide ? Le Pentagone ou le Parlement français ? »…
En masquant ainsi les véritables enjeux, en ne faisant que de la com’ en lieu et place de stratégie, pédagogie, réflexion, consultations véritablement démocratiques, Sarkozy dénature une fois de plus la fonction présidentielle et oublie une chose essentielle : le fondement de la République, ce sont les valeurs, pas le matériel.
L’enlèvement le même jour de deux agents de la DGSE à Mogadiscio met d’ailleurs en lumière l’indigence de la réflexion stratégique et militaire préparée à l’Élysée. Envoyer seulement deux agents, dont le professionnalisme est indubitable, à Mogadiscio pour aider à restructurer la garde présidentielle est à la fois ridicule et dérisoire.
Ridicule par les moyens employés : on a envoyé deux agents à l’abattoir en leur donnant si peu de moyens dans un des pays les plus dangereux – sinon le plus dangereux – de la planète.
Dérisoire car c’est malheureusement le qualificatif que l’on peut attribuer à la politique étrangère de la France dans cette partie du monde : soit on y va avec de véritables moyens au service d’une vraie politique, soit on s’abstient de faire « dézinguer » deux agents pour des ordres imbéciles.
Autre grand moment de com’ de la stratégie sarkozyste : le concert « gratuit » de Johnny. 2 millions d’euros, dont 500 000 pour la vedette, résident suisse donc non imposable en France mais ravi d’empocher ainsi l’argent du ministère de la Culture. C’est le contribuable qui paie, pas le spectateur !
À ce niveau de bassesse et de racolage politique, sur fond de gaspillage des deniers publics, on touche carrément à l’indignité républicaine : un évadé fiscal, ami du Président de la République, qui perçoit un demi-million d’euros pour un seul concert le jour de la fête nationale… Une chose est sûre : avec Sarkozy, nous avons vraiment changé de régime ; nous sommes retombés sous Louis XVI et, derrière l’apparente jeunesse de Sarkozy, se cache une pensée archaïque, aussi liftée que les peaux de Line Renaud et d’Enrico Macias qui n’étaient pas non plus à leur place à la tribune présidentielle. On se croirait dans une émission de Drucker…
Ah, oui ! J’oubliais : l’Élysée a fait des économies : 5 000 personnes seulement ont été invitées ! Sous les précédents mandats présidentiels nous étions à 2 000. Dans notre pays, les vraies économies sont imposées aux petits et aux sans-grades.
Gavroche
© La Lettre du Lundi 2009