Iran : Crise complexe, médias simplistes
jeudi 18 juin 2009 - 09h:43
K. Selim - Le Quotidien d’Oran
Elle oppose effectivement des clans au sein du régime.
L’alliance entre des hommes aux parcours aussi différents que Mir Hossein Moussavi, Mohamed Khatami et Hachemi Akbar Rafsandjani, l’homme le plus riche d’Iran, devait se traduire par une évolution au sein du régime et modifier le rapport de force interne.
Les électeurs, en donnant un écart aussi considérable à Ahmadinejad, ont consacré l’affaiblissement de cette coalition hétéroclite. Le recours à la rue est donc destiné à contester l’ampleur de la victoire d’Ahmadinejad et des forces qui le soutiennent. C’est un bras de fer à l’intérieur du système qui oppose le corps des Gardiens de la révolution au Bazar. La cible de cette campagne de grand style, relayée avec vigueur, n’est pas le président élu mais le Guide de la révolution, Ali Khameneï.
Ahmadinejad, avec ses manières abruptes et ses mises en cause très claires des « éléments corrompus », a certainement contribué à exacerber la position de Rafsandjani, celui que l’opinion iranienne surnomme le « requin ». Durant la campagne électorale, il a osé dire tout haut ce que pense la majorité des Iraniens en accusant Hachemi Akbar Rafsandjani d’être au cœur d’un système de corruption. A l’évidence, il a sous-estimé la réaction de survie de ce grand bazari qui refuse d’accepter que la victoire d’Ahmadinejad sonne le glas de son influence politique.
La campagne électorale s’est progressivement transformée en référendum sur la destinée de la révolution islamique. Ahmadinejad se représentant en tant que continuateur de la pureté originelle du régime, au plan de la piété, du populisme et de la moralité, a pu compter sur la base immense des pauvres, urbains et ruraux, hermétiques aux slogans réformistes de son adversaire Moussavi. La réponse a été sans appel.
Le dépit des partisans du candidat malheureux est exploité pour essayer de contester dans la rue ce qui n’a pas été obtenu par les urnes. La bourgeoisie d’affaires et une grande partie des élites souhaitent une représentation moins fruste de l’Iran, mais il est incontestable que leur mécontentement est monté en épingle et nourri par un soutien externe multiforme, y compris par des moyens non orthodoxes.
La stratégie américaine est claire : il ne s’agit pas de soutenir tel ou tel candidat mais bien de créer les conditions de la déstabilisation d’un pays représenté comme un ennemi irréductible de l’Occident. Il est donc probable que les troubles perdurent, mais attendre un changement de régime paraît hautement improbable.
Dans une situation où la nuance est de mise, les médias occidentaux présentent les choses de manière simpliste. Comme pour la « campagne » guerrière d’Irak ou pour le coup d’Etat avorté contre Chavez, ces médias n’informent pas, ils font la guerre...
Du même auteur :
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Silence arabe
Fables
18 juin 2009 - Le Quotidien d’Oran - Editorial
Irak : "Occupation économique"
mardi 30 juin 2009 - 11h:23
K. Selim - Le Quotidien d’Oran
En entrant à Bagdad, les troupes américaines ont livré la ville aux pillards mais elles ont scrupuleusement protégé le ministère de l’Energie. L’ancien président de la Reserve Bank américaine, Alain Greenspan, quitte à choquer les bien-pensants, l’avait crûment constaté : « Cela m’attriste qu’il soit politiquement inopportun de reconnaître ce que chacun sait : la guerre en Irak est largement une question de pétrole ».
Beaucoup d’Irakiens, y compris des experts du secteur pétrolier, s’en souviennent, alors que le gouvernement de Bagdad s’apprête à ouvrir six grands champs pétroliers et deux champs gaziers aux entreprises étrangères. Ces champs constituent pratiquement la moitié des réserves pétrolières irakiennes et toutes les grandes multinationales pétrolières sont attirées et ont répondu présent pour l’appel d’offres. Les représentants des multinationales pétrolières ont multiplié les visites aux responsables irakiens, les gouvernements n’ont pas été en reste.
Dans cette course où toutes les majors sont là et qui se veut transparente - par le recours à l’appel d’offres -, on peut prendre les paris que les 6 soumissionnaires américains sur un total de 31 entreprises retenues seront biens servis. Qui peut en effet plus que les Etats-Unis exercer une « influence » décisive sur le gouvernement irakien ?
Mais pour important qu’il puisse paraître, le débat est secondaire, presque trivial. Selon de nombreux Irakiens, c’est le principe même de l’opération qui est contestable. Ainsi, le gouvernement régional kurde, qui peut être difficilement taxé d’antiaméricanisme, a critiqué une politique de « bradage » qui offre aux multinationales des champs déjà en activité, au lieu de favoriser l’exploration. Le gouvernement irakien a défendu sa démarche par le souci d’efficacité en faisant valoir que la prospection prend du temps et que l’urgence est d’augmenter rapidement la production de 1,5 million de barils jour (mbj), avant d’atteindre 4 mbj en cinq ans. Le discours officiel irakien affirme qu’un tel objectif ne peut pas être atteint par des moyens nationaux.
Nombre d’experts et des responsables des entreprises pétrolières publiques ne sont pas du tout de cet avis. Ils soutiennent que les objectifs de production fixés peuvent être réalisés et dans un temps plus court par des moyens irakiens. Des experts pétroliers du sud de l’Irak avancent que la Société publique du Sud (SOC) est en mesure d’augmenter les exportations de 2 mbj dans l’année. On l’aura compris, ces offres, au nom de la nécessité d’aller vite, vont asphyxier les entreprises publiques. Les six champs offerts aux multinationales représentent 85% de la production actuelle et 50% des réserves de l’Irak. Il n’est pas étonnant que le responsable de la SOC souligne que leur perte de contrôle est une condamnation à mort des sociétés nationales.
Dans un Irak à souveraineté limitée avec un gouvernement sous protectorat, l’accusation de « bradage » ou « d’occupation économique » n’est pas théorique.
Du même auteur :
L’Iran « n’est pas la Géorgie »
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30 juin 209 - Le Quotidien d’Oran - Editorial
samedi 20 juin 2009 - 09h:33
K. Selim - K. Habib/Le Quotidien d’Oran
http://www.info-palestine.net/article.php3?id_article=6813
par K. Selim
« L’Iran n’est pas la Géorgie ». L’ayatollah Ali Khamenei a clairement signifié aux Occidentaux, qui ont mobilisé leurs médias et multiplié des déclarations, parfois franchement imprudentes, qu’ils ne pourront pas influer sur le cours des évènements en Iran.
Il est difficile de ne pas noter que beaucoup de ces gouvernements occidentaux ont des appréciations démocratiques à géométrie variable et qu’ils s’abstiennent de critiquer les pays amis où les élections sont des fictions. La réplique sèche d’Ali Khamenei confirme que les propos bruyants de responsables de pays occidentaux desservent ceux qu’ils sont censés soutenir.
Mais le propos vigoureux de Khamenei en direction des Occidentaux n’était pas le plus important. C’est le message en direction des Iraniens qui compte le plus dans ce qui est bien une des plus graves crises connue par le régime depuis la révolution islamique. En balayant énergiquement la thèse de la fraude « massive » aux élections, l’ayatollah Ali Khamenei a mis fin aux attentes, exagérées, de certains acteurs iraniens d’une annulation du scrutin présidentiel.
Le recours à la rue était une pression sur le Guide de la révolution et son prêche du vendredi était donc attendu avec fébrilité. Sa réponse a été nette : Ahmadinejad a bien gagné les élections et il n’est pas question de revenir. Et les « opposants » - les guillemets s’imposent puisque Khamenei a lui-même rappelé qu’ils sont des hommes du système - ont été avertis : ils doivent cesser de jouer la rue, sinon ils devront en assumer les conséquences.
« Les résultats de l’élection sortent des urnes, ils ne se décident pas dans la rue ». Le guide, comme d’ailleurs de très nombreux Iraniens, a la certitude qu’Ahmadinejad a gagné et que ses adversaires se servent de la rue pour « contraindre les autorités à accepter leurs demandes illicites et erronées. Cela serait le début d’une dictature ».
L’ayatollah Khamenei a pris soin dans son discours d’exprimer son rejet des accusations de corruption lancées par les partisans d’Ahmadinejad contre Hachemi Rafsandjani, dont il a défendu l’intégrité. Il tend ainsi la perche à l’un des principaux acteurs - même s’il ne se montre pas beaucoup - de la contestation. Mais sur le fond, Khamenei n’a rien cédé : les élections ont eu lieu, les Iraniens ont choisi et les vaincus doivent l’accepter. La messe est dite.
C’est désormais Mir Hossein Moussavi qui est mis sous pression et qui devra faire des choix. Il peut construire sur le fait que l’opposition a marqué le coup et a ébranlé jusqu’à la position du Guide de la révolution. Il peut s’en contenter et prendre date pour l’avenir. S’il ignore la sommation du Guide de la révolution de faire cesser les manifestations de rue, il entrera dans une logique de rupture qu’il n’est pas sûr de gagner. Il est fort probable qu’il perdra la partie, car tout indique que la majorité des Iraniens lui a préféré son adversaire, le peu aimé de la presse occidentale, Mahmoud Ahmadinejad.
A cette majorité sociologique, s’ajoute le fait qu’Ahmadinejad dispose du soutien le plus fort au sein des appareils du système. Comme l’Iran n’est effectivement pas la Géorgie, ni la « révolution » ni son éventuelle répression ne seront de velours.
par Kharroubi Habib
Dans le bras de fer auquel se livrent en Iran depuis une semaine « réformateurs et conservateurs » sur la validité du résultat de l’élection présidentielle, officiellement remportée par le président sortant Mahmoud Ahmadinejad, le camp des conservateurs a reçu l’appui sans équivoque du « Guide suprême de la Révolution islamique » et homme fort du régime en place.
L’ayatollah Ali Khamenei a en effet non seulement entériné la réélection d’Ahmadinejad, déclarée par lui obtenue à la régulière, mais aussi affirmé que celui-ci est le plus proche de ses propres idées. La prise de position exprimée par le Guide suprême dans son sermon à l’occasion de la prière du vendredi a valeur de « fetwa » indiscutable dans la logique du régime de la « velayt el-Fakih », en vigueur en Iran depuis le triomphe en 1978 de la révolution islamiste conduite par l’ayatollah Khomeyni.
C’est dire donc que le mouvement de contestation contre la réélection d’Ahmadinejad, engagé depuis une semaine par le courant « réformiste » et les partisans du candidat malheureux Mir Hossein Moussavi, va être confronté au raidissement à son égard de la position du régime officiel, et probablement au durcissement de la répression qui s’abattra sur lui au cas où il chercherait à s’installer dans la durée de la protestation.
Mais il n’est pas certain que Mir Hossein Moussavi, l’emblème de ce mouvement, et les dignitaires du régime qui lui ont apporté leur soutien vont être déterminés à passer outre la position exprimée par le Guide suprême, dont il faut souligner qu’ils ne contestent ni le statut ni la primauté s’agissant de la conduite des affaires de la « Révolution islamiste » et de l’Etat iranien. Se pose alors la question au cas probable où ces personnalités s’inclineront devant l’injonction faite par Khamenei de cesser la protestation, de savoir si la rue iranienne va poursuivre son mouvement de contestation.
Vu d’Occident, ce mouvement est perçu comme une remise en cause des fondements mêmes de la Révolution islamiste et du régime instauré sur cette base par l’ayatollah Khomeyni. Rien ne semble plus faux, même dans la mesure où effectivement de nombreux Iraniens sont mus par l’aspiration d’un changement radical de régime. Ceux-ci pourraient donc être tentés d’aller au bout de la contestation, mais il n’est pas certain qu’ils bénéficieront de l’adhésion active de la majorité de la population iranienne. Ils perdront à coup sûr l’appui de celle-ci si la « solidarité occidentale » à leur égard continue à s’exprimer de la façon aussi grossièrement manichéenne et superficielle qu’elle le fait.
Le Guide suprême Ali Khamenei a saisi d’ailleurs que cette « solidarité occidentale », souvent formulée par des déclarations proches de l’incitation à la révolte radicale contre le régime et l’Etat islamiques, peut être retournée contre le noyau dur du mouvement de protestation, ce qu’il n’a pas manqué d’exploiter en dénonçant cette « solidarité » comme une « ingérence dans les affaires de l’Iran ».
De l’ingérence étrangère, les Iraniens gardent une mémoire douloureuse et humiliante depuis celle qui a conduit au coup d’Etat contre le régime nationaliste de Mossadegh au début des années 50, et dont paradoxalement Barack Obama a ravivé le souvenir dans son discours du Caire en en reconnaissant la réalité historique. En le faisant, le président américain a, sans le savoir, offert l’argument au régime iranien qui pourrait lui permettre d’isoler ses irréductibles ennemis intérieurs de la masse de la population iranienne.
De K. Selim :
Iran : Crise complexe, médias simplistes
La vie en commun des Libanais
Les mots ne suffisent pas
Obama n’est pas le coursier de la démocratie
Silence arabe
De K. Habib :
L’extrémiste n’est pas celui qu’on croit
Plus que jamais, l’unité des Palestiniens s’impose
Netanyahu défie Obama et la communauté internationale
Quel Liban après les élections législatives ?
Changeur d’histoire ou illusionniste ?
20 juin 2009 - Le Quotidien d’Oran
http://www.info-palestine.net/