A côté des frais du chef de l'Etat, la Cour des comptes s'est intéressée, dans son rapport sur la gestion des comptes de l'Elysée, paru jeudi 16 juillet, à la politique de commande des sondages d'opinion. Elle s'interroge notamment sur un contrat signé en juin 2007 avec un cabinet qui a commandé par la suite à l'institut de sondages et d'études OpinionWay plusieurs enquêtes d'opinion, pour 1,5 million d'euros. Des sondages payés par l'Etat et dont les résultats ont pourtant été également publiés par Le Figaro et LCI.
La présidence a ainsi déboursé 392 288 euros en 2008 pour des Politoscope, réalisés toutes les deux semaines, alors que cette enquête était disponible sur les deux médias. « Les comptes-rendus facturés à l'Elysée étaient entièrement disponibles en ligne gratuitement » assure ainsi Yves Rolland, magistrat à la Cour des comptes. Quinze études sur les trente-cinq payées par la présidence ont été également publiées dans la presse, ce qui conduit à « mettre en doute l'intérêt de telles commandes », selon Philippe Séguin, le président de la Cour.
Ces accusations sont contestées par OpinionWay, qui assure sur son site que les résultats vendus au cabinet contenaient également des questions supplémentaires et « des tris détaillés par catégorie de population des résultats de nos enquêtes publiées, comme le font depuis longtemps la plupart des instituts d'études ». Ce qui justifierait une facturation spécifique : « Cette autre prestation ne correspond donc aucunement aux questions financées par LCI et Le Figaro », assure ainsi le communiqué.
« L'Elysée a peut-être simplement remis le format allégé de nos études au conseiller de la Cour des comptes. Ou bien les CD qui contiennent plus de 60 pages de détail que nous avons remis à Publifact [le cabinet en contrat avec l'Elysée] ont peut être été perdus » avance Bruno Jeanbart, le directeur des études politiques de l'institut, pour expliquer les constatations de la Cour. Publifact appartient à Philippe Buisson, directeur de la chaîne Histoire (groupe TF1) et conseiller de Nicolas Sarkozy pendant la campagne présidentielle.
LA SOCIÉTÉ DES RÉDACTEURS DU « FIGARO » FAIT PART DE SA « CONSTERNATION »
La Cour a remarqué que le contrat avec Publifact avait été passé sans mise en concurrence, pourtant obligatoire, et qu'il avait généré au total cent trente factures en 2008, outre des honoraires mensuels fixes de 10 000 euros pour le cabinet. Le cabinet disposait en effet d'une totale liberté d'appréciation quant aux études et sondages à mener et à facturer, ce qui privait la présidence de tout contrôle. Les services de l'Elysée ont répondu à la Cour des comptes que les relations contractuelles avec ce cabinet avaient été modifiées en mars, avec notamment la règle d'un bon de commande par étude et la limitation du champ d'action à « l'image du président de la République ». « Exclusives et confidentielles (...) ces enquêtes font l'objet de rapport disctinct » assure l'Elysée.
Cette affaire n'arrange pas OpinionWay, un institut déjà accusé d'être proche de la majorité par François Bayrou et la gauche. « Nous sommes ici au cœur d'un système d'instrumentalisation de l'opinion et de connivence entre le pouvoir, un institut de sondage et certains médias », a d'ailleurs critiqué la députée socialiste Delphine Batho, proche de Ségolène Royal, dans un communiqué diffusé jeudi soir. « Nous rappelons qu'OpinionWay compte parmi ses clients des acteurs positionnés aussi bien à droite qu'à gauche », se défend pour sa part l'institut.
Au sein du Figaro, le malaise est également palpable. La société des rédacteurs du journal a demandé à sa direction, vendredi 17 juillet, « de mettre immédiatement un terme à ce type de 'coproduction' qui nuit gravement à la crédibilité des titres du groupe ». Dans un communiqué, elle fait part de sa « consternation » après le rapport, dans lequel « il apparaît que de nombreux sondages OpinionWay publiés, notamment, par Le Figaro, sont commandités par la présidence et que certains sont expurgés avant d'être diffusés au grand public ».
Etienne Mougeotte, le directeur du journal, a démenti ‘formellement’ tout financement des sondages par l'Elysée. ‘Le sondage, chaque semaine, est payé par Le Figaro sur la base d'un contrat annuel’, explique-t-il, assurant ne pas avoir l'intention de remettre en cause la collaboration avec l'institut de sondage. Vendredi soir, un sondage OpinionWay réalisé pour Publifact sur les vœux 2007 de Nicolas Sarkozy était toujours en ligne sur le site du journal, ainsi que l'article reprenant les résultats, qui assure pourtant que le sondage a été réalisé pour le quotidien.
Source : Le Monde.fr, avec AFP et Reuters
http://sego-dom.over-blog.com/article-33940075.html
Par Delphine Batho
Les Français doivent désormais savoir que lorsqu'ils entendent dans un médias qu'un sondage a été réalisé par Opinion Way, il a peut être été payé par Nicolas Sarkozy. Ce n'est pas Ségolène Royal qui le dit, mais Philippe Seguin.
La note de la Cour des Comptes sur les dépenses de l'Elysée est en effet une invitation à relire les pages 189 et suivantes du livre de Ségolène Royal « Ma plus belle histoire c'est vous » (Grasset), que le chapitre de la note de la Cour intitulé « le cas particulier des études » confirme en tout point.
Ainsi, selon son bon vouloir, l'Elysée viole les règles du code des marchés publics quand il s'agit de choisir un cabinet d'études pour un budget de 1,5 millions d'euros sans aucune mise en concurrence.
Ainsi, selon son bon vouloir, l'Elysée ordonne la commande et paie directement des sondages par la suite publiés par certains médias, sans doute par générosité et soucis de la trésorerie des organes de presse !
Ainsi, selon son bon vouloir, l'Elysée a une relation sans doute privilégiée avec un institut qui - hasard qui ne doit strictement rien à l'Elysée - a été choisi par une grande chaine de télévision pour la soirée électorale des élections européennes, sans la moindre procédure concurrentielle...
Nous sommes ici au coeur d'un système d'instrumentalisation de l'opinion et de connivence entre le pouvoir, un institut de sondage et certains médias.
Pour que l'information de tous soit complète, nous demandons à l'Elysée de rendre publique la liste précise des 15 sondages payés par la présidence de la République et qui ont été publiés par certains médias. Cela permettrait à coup sûr de revisiter les conditions de déroulement de certains débats publics où des jeux d'influence pervers s'exercent pour manipuler l'opinion.