Mutation forcée du Procureur général de Riom
Jean-Louis Bianco - 2 juillet 2009
Au mois d’Avril, Rachida Dati annonçait brutalement la mutation à la Cour de Cassation, dans l’intérêt, du service, du Procureur Général de RIOM. Dernier Procureur Général nommé par la gauche, Marc Robert dont le professionnalisme est unanimement reconnu, a eu le tort de ne pas manifester son soutien sans faille à la réforme de la carte judiciaire dans son ressort et au projet de suppression du juge d’instruction sans renforcement des garanties statutaires accordées aux magistrats du parquet. Cette mutation forcée a causé un vif émoi dans la magistrature.
Comme le prévoit l’article 65 de la constitution, le CSM, dans sa formation parquet, a alors été saisi de ce projet pour émettre un avis.
Dans un pré-délibéré rendu public par la presse, le CSM/parquet s’orientait vers un avis défavorable à cette mutation. Or, le 4 juin, brutalement, le CSM a procédé à une nouvelle délibération aboutissant à un avis favorable. Nous sommes ainsi convaincus que des pressions ont été exercées sur certains membres du CSM pour aboutir à ce revirement de vote.
L’après-midi même, se tenait la réunion officielle du CSM sous la présidence du garde des Sceaux suppléant le président de la République, absent. Sans doute sensible à la solidarité exprimée par la magistrature envers Marc Robert, Rachida Dati a alors annoncé qu’elle retirait ce projet de mutation de l’ordre du jour.
Cependant, de manière stupéfiante, le conseiller pour la justice de l’Elysée, Patrick Ouart, dont on ne s’explique pas la présence à cette réunion, est intervenu in extremis pour contester au garde des Sceaux la faculté de retirer ce projet… Rachida Dati a alors expliqué qu’elle suppléait le Président de la république et qu’à ce titre elle avait tout pouvoir pour modifier cet ordre du jour, ce qui est juridiquement exact.
Toutes les informations sur ce qui s’est passé lors de cette séance du CSM sont parues dans la presse et le retrait de l’ordre du jour n’a pas été démenti notamment par la chancellerie qui s’est contentée à posteriori de parler d’un retrait provisoire de l’ordre du jour. Dès lors, faute de délibération finale du CSM, Marc Robert ne pouvait pas être muté à la Cour de Cassation. Mais contre toute attente, le décret de nomination à la Cour de cassation de Marc Robert a été publié au journal officiel le 24 juin.
Cette affaire est d’une particulière gravité pour trois raisons :
- Elle illustre à quel point la magistrature est aujourd’hui entre les mains de l’exécutif;
- Elle bafoue le fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature, organe constitutionnel censé garantir l’indépendance de l’institution judiciaire.
- Elle laisse à penser qu’un faux en écriture publique (un crime aux yeux de la loi) a été commis.
On est en droit de se poser quatre questions :
- Pourquoi le conseiller de l’Elysée participe-t-il aux séances du CSM en l’absence du président de la République et comment peut-il y prendre la parole?
- Pourquoi le procès-verbal de séance ne mentionne-t-il pas le retrait de l’ordre du jour? Un faux a-t-il été commis?
- Le CSM peut-il siéger alors que sa légitimité est remise en cause par l’absence des trois élus des cours et tribunaux représentants plus de 90% de la magistrature?
- Quelles suites la nouvelle garde des Sceaux va donner cette affaire?
Cet article a été publié le Jeudi 2 juillet 2009 à 9:53
Lu sur :
http://www.depresdeloin.eu/socialiste/mutation-forcee-du-procureur-general-de-riom.html
http://www.dazibaoueb.fr/article.php?art=4758