il y a 18 min
birenbaum - LePost
Hier soir l'émission "Temps présent" sur la Télévision Suisse Romande (TSR) a dressé un portrait accablant du Président Sarkozy.
Sujet : ses rapports tendus et complexes (et réciproquement) avec les journalistes français.
Un reportage qui, après avoir montré les difficultés de l'équipe suisse qui espérait approcher le Président (ce fut impossible), voulait convaincre, preuves à l'appui, que les journalistes français sont comme tétanisés (entre un prudent silence et l'auto-censure) par ce "Sarkozy, vampire des médias" (c'est le titre du sujet).
J'ai regardé l'émission.
Vu de France, je dois bien avouer qu'on commence par regretter que bien peu de journalistes (français) ou d'autres témoins, apportent dans cette émission de nouveaux éléments "à charge" au delà de tous ceux (certes nombreux) que nous connaissons déjà...
Bien sûr, Patrice Machuret, journaliste à France 3, auteur du livre L’enfant terrible, révèle qu'en "off" le Président, énervé par son livre, l'aurait qualifié de "crétin" et de "honte de la profession". Mais au pays du "casse toi, pov'con", le "crétin" reste finalement assez mesuré...
On apprend aussi que, désormais, le correspondant en France du Matin - le journal suisse qui avait osé briser l'omerta et sortir le premier les informations sur le départ de Cécilia Sarkozy, en 2005 - travaille toujours en France, mais caché sous un pseudonyme...
Le patron du journal, explique, en effet, face caméra : "Il ne devrait surtout pas se trahir parce qu'il subirait des conséquences. On a vu avec d'autres journalistes, ce qui s'est passé... Il va pas se faire tuer comme en Russie... Mais il subit des conséquences... "Sur sa vie économique"... termine alors le journaliste qui l'interviewe... "Oui... j'en suis certain" rajoute alors le patron du Matin. Dommage, en l'occurrence, que son interviewer ne l'ait pas laissé finir tout seul...
Alain Genestar vient ensuite, en assez cocasse martyr du Sarkozysme. Il est accompagné de son chien... Comment ne pas y voir une sublime (involontaire ?) référence au célèbre discours de François Mitterrand à l'occasion de la mort de Pierre Bérégovoy ?
L'ex-patron de Paris-Match déroule pour la Xième fois son "haut fait d'arme" : la publication de la photo de Cécilia Sarkozy avec Richard Attias, à New York, à la "une" de Match. Et le licenciement qui en suivit. Rien de neuf.
David Pujadas est, lui, interviewé à propos des récents changements dans l'audiovisuel public et les nominations de ses patrons par le pouvoir : "un pari compliqué". Il en pointe les risques pour l'information, l'heureux nommé étant "redevable de quelque chose au pouvoir exécutif"... D'où le risque de l'auto-censure.
La courageuse Audrey Pulvar évoque, elle, clairement cette auto-censure chez certains de ses confrères, avant de revenir sur l'échange très très musclé qu'elle avait eu avec le Président et que j'avais pointé, sur Europe 1 et sur Le Post, dès le lendemain...
La journaliste de France 3 explique : "Ça aurait pu déraper... Et... moi, j'étais dans une position où j'aurais pu en profiter pour prendre l'avantage à ce moment-là. J'ai préféré faire l'inverse, c'est à dire lui tendre une perche en lui disant 'oui en tant qu'être humain, vous sous-entendez en temps qu'être humain, et non évidemment en tant que femme noire'..."
Un comportement qui honore l'intelligence d'Audrey Pulvar.
J'imagine d'ailleurs assez mal comment l'échange aurait pu tourner si elle avait agi différemment...
Vient ensuite l'épisode du "off" de France 3 (avant la même interview) et la plainte - un peu forcée par le pouvoir - de France 3 contre des journalistes de Rue 89 et de France 3... Surprenante chute ici : la voix off (un peu trop omniprésente tout au long de l'émission) explique : "Face à au soutien du monde médiatique et à l'ampleur que prend cette affaire Les quatre journalistes seront relâchés le jour même..."
Rappelons tout de même à nos confrères suisses (et rassurons-les) que les journalistes entendus dans cette "affaire" n'ont tout de même jamais craints un seul instant d'être placés en détention !
J'aurais pu aussi évoquer Jean-Michel Thénard qui évoque la "presse de révérence" à la française... Les quelques mots trop rares (normal, je fais de la lèche à mon producteur...) de Daniel Schneidermann, à propos de la non reconduction de Jean-Paul Cluzel à Radio-France... Et les quelques instants passés avec l'ami Didier Porte qui, suivi par l'équipe de la TSR, l'oute publiquement au micro du "fou du Roi" sur France inter... Pas idéal pour leur faciliter le travail !
Évidemment, à la fin de l'émission, un téléspectateur suisse a certainement beaucoup appris sur l'état plutôt problématique de notre démocratie, observée du seul point de vue des rapports entre notre Président et lémédia.
En revanche, ici, nous sommes tellement blasés et habitués à la situation que la dramatisation un peu forcée du sujet conduira probablement les téléspectateurs français à en sourire (jaune).
Mais que je suis niais !!!
Pourquoi donc évoquer la réception du sujet par des téléspectateurs français (en dehors de ceux qui captent la TSR) ?
Là, c'est moi qui suis complètement Hors-sujet !
Ce reportage, aucun patron de chaîne française n'osera(it), ne pourra(it), ne voudra(it) - rayer les mentions inutiles - le diffuser !
D'où l'utilité du Net...
À vous de juger comme dirait l'Autre (qui, bizarrement, n'était pas dans le sujet...).
L'émission de la TSR est en ligne ici et, outre les deux extraits, dans un monde idéal, elle apparaîtra intégralement dans ma page, un peu plus tard dans la journée
http://vigicitoyen.canalblog.com/archives/2009/06/05/13971742.html