Censure en direct sur France Inter :
on ne parle pas des extrémistes juifs
L’habituel présentateur du 7/10 sur France Inter, Nicolas Demorand, étant parti quelques jours en vacances, nous avons eu le plaisir et l’honneur de le remplacer lors de l’émission du 16 avril dernier. Nous avons donc pu interroger la ministre de l’Intérieur invitée ce matin-là, Michèle Alliot Marie, l’interview ménageant la possibilité aux auditeurs de téléphoner à la radio pour lui poser des questions en direct.
C’est ainsi qu’une certaine Sabrina a pris la parole : "Madame, nous avons en France une organisation juive, le Bétar, qui a poignardé un commissaire de police français, en plein Paris, il y a trois ans..." Devant le silence de la ministre, nous l’avons relancée : "Notre auditrice aborde là la question de la tolérance dont bénéficient en France des groupes juifs d’extrême droite tels que le Betar ou la Ligue de défense juive (LDJ), cette dernière organisation étant interdite aux États-Unis et même en Israël, classée comme raciste et terroriste. Comment expliquer la mansuétude de l’État français à leur égard, quand la justice a pourtant condamné à plusieurs reprises leurs militants pour des actes de violence ?" Pour éclairer nos lecteurs qui ne connaissent pas ces organisations, effectuons un rappel, tiré de notre billet du 25 juin 2008, l’un des plus lus de Plume de presse avec ses 15 164 visites au compteur :
"Il y avait aussi des actions plus musclées, comme la protection des manifestations. On débarquait en scooter, casques sur la tête. On encerclait les opposants à nos idées et, à coups de matraque ou à mains nues, on les tabassait. J’ai participé à plusieurs actions dont la presse a parlé. Aujourd’hui, à cause de ça, je suis sous contrôle judiciaire pour violence en réunion" : ainsi parle Mickaël Tolédano, ancien membre du Betar, interviewé par le site Recherches sur le terrorisme. Le Betar ? Un mouvement de jeunesse ultrasioniste effectivement connu pour ses pratiques violentes.
Quant à la LDJ, c’est le Betar en pire. Un de ses militants, Anthony Attal, a été condamné à 10 mois de prison avec sursis et deux ans de mise à l’épreuve pour sa participation à l’agression de quatre étudiants d’extrême gauche de l’Association générale des étudiants de Nanterre, perpétrée le 30 décembre 2003 à l’intérieur même du tribunal administratif de Paris. Un autre de ces extrémistes, du Betar - les frontières entre les deux groupuscules sont poreuses -, Joseph Ayache, a été pour sa part condamné en août 2004 à quatre mois de prison ferme pour agression raciste (celle de militants pro-palestiniens et d’organisations pacifistes juives, lors d’une manifestation devant le siège de la délégation palestinienne en France à Paris).
Le président du Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples, Mouloud Aounit, fut lui aussi agressé le 13 novembre 2003. Signalons également les attaques contre l’intellectuel d’extrême droite Alain Soral en 2004 (dans une librairie où il dédicaçait son livre) et contre l’humoriste Dieudonné en 2005 (dont on pense par ailleurs ce qu’on veut).
Pire, le 7 avril 2002, en marge d’une manifestation organisée par le Conseil représentatif des institutions juives de France "contre le terrorisme et l’antisémitisme avec Israël pour la paix et sa sécurité", un policier avait été poignardé, un crime attribué à un membre du Betar, jamais interpellé.
Des scènes de ratonnades se sont aussi déroulées dans le sillage de la manifestation du 26 février 2006 en hommage à Ilan Halimi, assassiné par Fofana et le "gang des barbares". Le 15 mai dernier encore, 25 nervis de la LDJ ont agressé 5 personnes fermant le Centre international de culture populaire, où est par exemple domiciliée la très recommendable Union Juive française pour la paix, au terme d’une conférence sur la Palestine. Voyez le genre d’énergumènes.
Complément d’enquête s’était intéressé à la question et un extrait édifiant de l’émission de France 2 est en ligne sur YouTube. On voit que le dossier du Betar et de la LDJ est lourd, très lourd... Comment Michèle Alliot-Marie va-t-elle justifier que le ministère de l’Intérieur ne prenne pas de mesure pour les interdire ?
On ne le saura pas. Parce que ce n’est évidemment pas nous qui remplacions Nicolas Demorand ce matin-là sur Inter, mais Éric Delvaux, qui a mené l’interview aux côtés de l’éditorialiste habituel, Thomas Legrand. Et que s’est-il passé lorsque l’auditrice a posé sa question ? Delvaux l’a interrompue avant même qu’elle ait fini de la formuler ! "Je ne suis pas certain que ça soit du registre de Madame la ministre de l’Outre-mer, de l’Intérieur, a-t-il tranché. Votre question, euh..." Legrand est alors intervenu : "C’est un commissaire de police mais, en même temps, je crois que vous n’avez pas l’air d’être au courant de cette affaire. Peut-être que... Bon." Il n’a pas insisté davantage, et Delvaux d’alors parachever le coup de ciseau, donnant la parole à un autre auditeur : "On va peut-être passer à Daniel..." (toute l’interview est en vidéo sur Dailymotion, "l’incident" se produisant exactement au bout de 14 minutes et 10 secondes, ce passage de l’émission étant également disponible seul, en fichier audio, ici).
"Je ne suis pas certain que ça soit du registre de Madame la ministre de l’Outre-mer, de l’Intérieur" : pitoyable procédé de la part du journaliste d’Inter qui met en avant l’Outre-mer dans l’énoncé du ministère d’Alliot-Marie ! À quoi peut bien servir cette précision si ce n’est pour noyer le poisson, signifiant implicitement : "elle s’occupe de ce qui se passe dans les îles, c’est vous dire si l’agression d’un policier par un membre du Betar à Paris ne la concerne pas !"
Mais désolé, cher confrère : si l’interdiction d’un groupuscule extrémiste ne regarde pas la ministre de l’Intérieur, qui donc ? Au nom de quoi Delvaux se permet-il de décider que l’on n’a pas à interroger MAM sur le sujet ? Parce qu’elle fait mine de ne pas être au courant ? Mais alors, il faut pousser l’interrogation : "Vous ne connaissez pas le Betar, Madame Alliot-Marie ?"
Entre parenthèses, sa méconnaissance de l’affaire est proprement invraisemblable : on veut bien qu’Alliot-Marie soit incompétente, mais de là à ce qu’un ministre de l’Intérieur ne connaisse pas le Betar ni ne soit au courant des événements de la manifestation à laquelle fait allusion l’auditrice, c’est vraiment se moquer du monde !
Reste qu’on ne saura toujours pas en vertu de quel principe des organisations ouvertement violentes comme le Betar et la LDJ peuvent impunément prospérer en France*. Et que les chiens de garde de France Inter ont pris soin d’éviter à la ministre de devoir tenter de le justifier. Il s’agit bien d’un cas flagrant de censure. Scandaleux.
* Alors qu’on invente une mystérieuse "cellule invisible" pour embastiller un Julien Coupat sur lequel, à la différence des nervis de l’extrême droite juive, ne pèse aucune charge sérieuse !
Olivier Bonnet
http://www.come4news.com/censure-en-direct-sur-france-inter-on-ne-parle-pas-des-extremistes-juifs-633226
commenter cet article …