La foule, elle, les "chemises rouges", est composée d'ouvriers, de paysans, de laissés pour compte du néo-libéralisme. Elle conteste la légitimité du Premier ministre, et des généraux qui en arrière plan contrôlent le régime. Ces "chemises rouges" soutiennent le millionnaire populiste en exil Thaksin Shinawatra qui lorsqu'il était Premier-ministre a lancé des réformes sociales (notamment il fut le premier à mettre en oeuvre un système de santé gratuite). Mais au sein de ce mouvement contestataire, selon Giles Ji Ungpakorn, professeur de Sciences politiques à l’université Chulalongkorn à Bangkok, des tendances plus autonomes apparaissent qui prennent leurs distances à l'égard de Thaksin et demandent l'abolition de la monarchie. Il ne s'agit donc pas uniquement de "clients" du milliardaire.
La classe dirigeante du pays, pour sa part, est prête à tout pour garder le pouvoir. Le 19 septembre 2006, elle a organisé un coup d'Etat pour renverser le gouvernement de Thaksin Shinawatra récemment réélu, dissout son parti, et organisé des milices (les "chemises jaunes"). Selon Thitinan Pongsudhirak, directeur de l'Institut des études de sécurité à Bangkok interviewé par Christiane Oelrich correspondante de Deutsche Presse-Agentur, si des élections avaient lieu aujourd'hui, le Premier ministre Abhisit Vejjajiva serait battu et les Chemises rouges prendraient le pouvoir, ce que l'armée et les grandes familles thaïlandaises ne peuvent accepter.
On observe une grande retenue, et un grand embarras, au niveau international à l'égard de la Thaïlande qui est une pièce important de l'ordre économique globalisé (notamment pour le tourisme). Les puissances occidentales ont appelé leurs ressortissants à éviter les zones de tension. A gauche, en Occident, le point de vue des Chemises rouges est relayé au Royaume Uni par la mouvance du Socialist worker's party.
F. Delorca
Nb : pour un traitement particulièrement répugnant du mouvement social thaïlandais dans la presse bourgeoise française, voir Libération du 11 avril - http://www.liberation.fr/monde/0101561444-a-bangkok-la-foule-a-le-droit-de-tout-faire.
http://atlasalternatif.over-blog.com/article-30226050.html
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Voici l'article de Libération,
journal de Gauche, soit-disant,
avec le Patron que vous savez...
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Libération : Une certaine presse...
Compte-rendu d'un événement
«la foule a le droit de tout faire»
De notre correspondant
La capitale est assiégée par les pro-Thaksin.
Pour «rétablir la démocratie en Thaïlande», les leaders des «chemises rouges» - les partisans de l’ex-Premier ministre Thaksin Shinawatra - ont rameuté la fine fleur de la populace : transsexuels des bas-fonds de Pattaya, moto-taxis aux yeux rougis par le mauvais whisky et des mégères, vendeuses de salades de papaye verte, aux mains comme des battoirs. Depuis jeudi soir, cette foule bigarrée et avinée a pris le contrôle des principaux carrefours de la capitale thaïlandaise, Bangkok. Ils ont installé des «barricades de la démocratie» où les droits fondamentaux des citoyens sont assénés à coup de canettes de bière et de jurons. Une voiture tente de passer un de ces barrages. Une nuée de chemises rouges s’abat sur le véhicule, le tambourine et fait exploser le pare-brise. Quand le conducteur leur demande ce qui leur prend, la réponse fuse : «La foule a le droit de tout faire», lance un moto-taxi. Ces scènes de quasi-anarchie se sont répétées dans plusieurs quartiers de Bangkok. La police observe, et dit ne rien pouvoir faire.
C’est un peu comme si la capitale avait été temporairement sacrifiée pour préserver la station balnéaire de Pattaya où se tient, jusqu’à dimanche, le sommet de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (Asean) et de leurs partenaires asiatiques (Chine, Inde, Corée du Sud et Japon). Les «rouges» ont bien essayé de pénétrer dans le luxueux hôtel Royal Cliff Beach Resort, situé sur une colline de Pattaya, mais une haie serrée de policiers anti-émeutes, doublée par quelques centaines de fusiliers marins, les a tenus à l’écart.
Hissé sur un camion benne, Arisaman Pongruengrong, un ancien chanteur de charme, beugle dans un mégaphone qu’Abhisit Vejjajiva, l’actuel Premier ministre, «est un dictateur» et Thaksin Shinawatra - politicien milliardaire qui s’est enrichi grâce à des quasi-monopoles dans le domaine des téléphones portables - un «amoureux de la démocratie». «La Thaïlande est sous un régime oligarchique, un régime qui ne tient pas compte de la voix du peuple», indique Sittivet Chuongreukyen, un journalier de l’île de Koh Chang. A la question de savoir si l’ex-Premier ministre Thaksin faisait preuve d’esprit démocratique lorsque 3 000 personnes, dont des enfants, ont été abattues pendant une campagne antidrogue en 2003, Sittivet répond qu’il s’agissait d’une «politique nationale qui ne visait que les bandits trafiquants de drogue».
Malgré ce désordre, les quatorze chefs d’Etat et de gouvernements sont arrivés vendredi dans la station balnéaire pour ce sommet où ils doivent discuter de la stratégie asiatique face à la crise économique. «Ils [les chemises rouges, ndlr] ont le droit d’exprimer leurs opinions, mais nous espérons que la démocratie respectera aussi la loi et l’ordre public», indique Surin Pitsuwan, secrétaire général de l’Asean. Les chemises rouges souhaitent ternir l’image du gouvernement d’Abhisit Vejjajiva en entravant le déroulement du sommet. Dans la soirée, les partisans de Thaksin s’étaient repliés sur le parking du Big C, un supermarché local, avec l’intention de reprendre leur «campagne pour la démocratie» le lendemain.
http://www.liberation.fr/monde/0101561444-a-bangkok-la-foule-a-le-droit-de-tout-faire
Pattaya, envoyé spécial Arnaud Dubus