Unes de Libération.fr (et non de easy jet) et du Figaro.fr
1 er mars 11 H 30
C’est peut-être un peu facile, et c’est vrai cela ne m’a pris que quelques secondes… Je ne parlerai pas des articles qui sont associés à ces deux unes visibles ce dimanche 1 er mars à 11h 30, ce qui m’intéresse ici ce sont justement ces unes (titre et photo), l’occasion était trop belle de mettre à l’honneur la manière dont la pluralité des approches journalistiques se manifeste visuellement au sujet de la nomination éminemment politique de François Pérol (conseiller dévoué à Nicolas S.) à la direction de la nouvelle banque tant exigée par l’Elysée.
Certains étant choqués, il faut sortir le plan com’ de derrière les fagots et demander à l’intéressé de se mouiller dans le bain médiatique où les banquiers sont si rares. En tout cas les sites de Libé et du Fig ont mis le paquet pour se saisir de l’affaire et trouver leur angle pour proposer des points de vue différents sur cette histoire, la presse de gauche tout à sa défense de la morale démocratique et la presse de droite tout à sa défense du pouvoir en place se déchirent sur le choix du second banquier de détail de France et l’on voit bien que le pouvoir financier qu’il incarne n’a pas d’influence sur leur ligne éditoriale.
Dans cette opération de communication, le choix de la photo et du titre sont très significatifs, la photo date de 2003, elle nous montre un type sympa, jeune bien que chenu, c’est à dire à la fois dynamique et sage, plutôt modeste (sa chemise vichy de “prepy” est ouverte), il lance à la presse qui l’attend un regard complice (dans le bon sens du terme) et sourit sans ostentation… Il a l’air vraiment sympa ce type !
Notons tout de même par honnêteté, que la photographie de Libération n’est pas recadrée, ce qui établit une plus grande distance vis à vis du visage de François Pérol alors que le Figaro nous plonge dans une proximité visuelle qui érode l’éloignement nécessaire au jugement, c’est sûrement là que se loge la différence entre les deux organes.
François Pérol à Paris en 2003 / AFP
Le site du JDD qui publie la réplique de François Pérol diffuse une photographie moins glamour mais sûrement plus récente où on le voit photographié à son insu comme une vedette de l’actualité qui se cache des paparazzi… Une tache noire informe, sûrement le fer forgé d’une rembarde de fenêtre, s’interpose entre nous et lui, témoignant du caractère fortuit de la prise et renforçant du même coup la présence du noir, figurant l’humeur noire qui flotte au dessus de sa tête. Entre l’homme sûr et printanier du haut et celui plus hivernal et sombre du bas une différence de signification s’établit; l’homme du JDD se défend des accusations portées contre sa nomination quand celui du “collectif de propagande visuelle Libégaro-fi(gu)ration.fr” se présente fièrement comme un homme à l’aise, détendu, sûr de son bon droit.
Francois Pérol, photo récente de Gilles Bassignac/ JDD
Vient ensuite le titre qui sert de légende à la photographie décontextualisée de 2003 “Pérol juge sa nomination “régulière”"
Voilà pourquoi il était si détendu au printemps 2003, il devait savoir que de toute façon, tout ce qui se produirait dans l’avenir serait forcément “régulier”, ne sort-il pas d’HEC et de l’ENA ? N’est-il pas proche de Nicolas Sarkozy ? La presse a choisi cette phrase de l’interview du JDD, pour figurer à l’aide de ce beau jeune homme, à la fois l’autorité naturelle de François Pérol et sa sérenité, puisqu’il “s’autorise de lui-même” en évaluant lui-même la régularité de sa nomination. On sait que l’autoévaluation tentait déjà Nicolas Sarkozy qui l’avait annoncé le 22 janvier dans son fameux discours devant un parterre (ce mot devrait lui plaire) de présidents d’universités et de chercheurs, il disait ainsi : “Je vois que cela peut être confortable. Je pourrais en tirer quelques conclusions pour moi-même. C’est un système assez génial d’ailleurs, celui qui agit est en même temps celui qui s’évalue. Qui peut penser que c’est raisonnable ?”
Voilà donc que les génies de la communication présidentielle - ou l’intéressé lui-même- n’ont rien trouvé de mieux que d’utiliser les méthodes malhonnêtes des enseignants-chercheurs pour justifier le choix présidentiel; l’autoévaluation. tant pis pour la commission de déontologie et les réserves de son président ; qui est mieux placé que Pérol pour juger de la nomination de Pérol ? Il se connait mieux que personne et sait mieux que personne comment il a été choisi, alors ? Et puis, il aurait très bien pu dire aux journalistes du JDD qui l’ont interrogé que finalement, il jugeait sa nomination irrégulière, or il ne l’a pas fait. CQFD.
Notons encore, pour être parfaitement honnête, comme nous l’avons été en commentant la photographie choisie dans l’album 2003 de l’AFP, que le titre de Libération, suivant son principe de distance, ne mentionne pas le prénom de François Pérol, le désignant de manière moins personnelle par son seul patronyme “Pérol” quand le Figaro le nomme entièrement “François Pérol” suivant en cela son angle de vue marqué par la proximité vis à vis de l’homme.
Mais enfin, deux unes synchrones, presque identiques que seul un degré de proximité distingue, voici comment la presse progressiste de gauche et la presse consevatrice de droite se situent sur l’horizon infini des points de vue possibles… Ce matin à 11 h 30 la messe était dite…
Heureusement qu’il y a le site du journal Le Monde, auquel je suis abonné avec bonheur, pour apporter une touche personnelle à la présentation de la réponse qu’adresse François Pérol à ses accusateurs.
Vive le pluralisme ! et vive Rezo, le portail des copains
Olivier Beuvelet
Libégaro et fi(gu)ration sont les deux mammellhttp://www.marcfievet.com/article-28648752.html