OMAR et les journalistes
IL y a quelques jours je rencontrais Omar Raddad à Toulon, pour le mensuel Le Courrier de l'Atlas. Il vient de prendre Sylvie Noachovitch comme avocate et s'apprète à demander la révision de son procès. Près de 4 heures 30 d'entretien non stop durant lesquelles il m'a conté son procès 'abracadabrantesque'. Une affaire qui s'apparente bien plus à un complot qu'à une erreur judiciaire proprement dite.
Bien sûr, j'ai voulu connaître son regard sur les médias. Il m'a d'abord parlé des journalistes honnêtes (pour lui, ceux qui simplement disent la vérité). Il a d'ailleurs été dithyrambique sur le journaliste écrivain Jean-Marie Rouart qui avait mené une enquête à l'époque ("Omar, la construction d'un coupable" Ed. de Fallois). Evidemment, ce ne sont pas ceux-là qui m'intéressaient. Il m'a ensuite expliqué avoir souffert des mensonges étalés dans la presse sur toute la période 1991/94. "A 80%, tout était faux". La raison est simple : "Les journalistes prennent tout ce que disent le juge et les enquêteurs" m'a-t-il dit .
C'est sans doute le problème des journalistes fainéants, mais c'est surtout quelquefois - et c'est plus grave - celui des journalistes spécialisés dans les affaires judiciaires. Combien de ces journalistes en effet travaillent avec certains magistrats, dans un esprit de donnant-donnant. Il n'est plus question alors pour eux de changer une virgule, de peur de se griller une source essentielle (celle qui va peut être leur assurer régulièrement de la matière pour leurs papiers). Raddad a-t-il aussi été victime de ces collusions entre journalistes et juges ?
Aujourd'hui, on le sait, le juge Renard qui a instruit la quasi totalité du dossier a été quelques années plus tard - et pour une autre affaire - condamné pour violation du secret d'instruction. Il aura fallu toute la ténacité du procureur Eric de Montgolfier et un rapport accablant du Conseil Supérieur de la Magistrature pour qu'il soit finalement mis à la retraite.
Lors de l'interview, Raddad s'est ainsi étonné d'un étrange numéro qui lui était récemment consacré dans l'émission "Faites entrer l'accusé" de France 2. Presque une commande de la partie adverse, avec des éléments inventés ne figurant pas même dans le dossier ! De plus, ni lui ni aucun de ses avocats n'avaient été sollicités. Etrange, non ?
Pour tous ceux qui suivent les affaires judiciaires, ces collusions contre nature, sont légion. La semaine dernière, Roger-Marc Moreau, le détective privé appelé par Verges en 1994 pour l'affaire me résumait la politique de cette émission contre laquelle il m'a dit porter plainte " 'Faites entrer l’accusé', c’est bien connu, donne la part belle à l’accusation, bien plus qu’à la defense. Les journalistes ne veulent pas se griller avec le systeme et pouvoir faire intervenir des juges et des policiers sur leur plateau. Ils remettront rarement en cause des décisions judiciaires".
Ainsi, s'il ne faut pas se fier aveuglément aux journalistes, a fortiori intégrés à une rédaction, il faut sans doute être plus vigilant encore à l'égard de ces journalistes 'rubricards' qui ont tissé au cours des années des liens privilégiés avec certains services, administrations, politiques... Parmi ceux-là, quelques uns sont quelquefois près à piétiner leurs beaux principes éthiques pour conserver une source régulière, fût-elle celle de la désinformation. Les grandes affaires politico-judiciaires en cours en sont une éclairante illustration.
Et c'est un journaliste qui vous le dit...
Yann
http://redacnomade.over-blog.com/article-24009443.html
commenter cet article …